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Deir el-médineh : le "grand puits" (rapport de fouilles - 3)

Publié le 09 mai 2009 par Rl1948

   Après vous avoir donné à lire les samedis 25 avril et 2 mai derniers les rapports de fouilles rédigés par l'égyptologue français Bernard Bruyère à Deir el-Médineh, je vous propose aujourd'hui, ami lecteur, le denier compte rendu qu'il publia chez nous, en Belgique, dans la Chronique d'Egypte Dépendant de la Fondation égyptologique Reine Elisabeth qu'avait créée à BruxellesJean Capart, dans le premier tiers du XXème siècle.
   A la fin de l'époque ptolémaïque le grand puits de Deir el Medineh, creusé (...) au nord du temple d'Hathor, n'ayant pas atteint le but que l'on s'était proposé, avait été en grande partie recomblé à l'aide des terres de forage et des décombres d'un quartier du village du Nouvel Empire. Les fouilles de 1949-1950 nous ont fait retrouver dans ces décombres plus de cinq mille ostraca hiératiques ou figurés des dynasties XIX et XX.
   Mais le grand puits n'avait jamais été complètement rempli et un vaste entonnoir restait béant qui sollicitait la curiosité des savants et la cupidité des indigènes. Des missions scientifiques et des tentatives clandestines ont donc cherché à percer son mystère et ont accumulé leurs déblais successifs sur le bord oriental de l'entonnoir. Ces dépôts devaient contenir des ostraca qu'il importait de retrouver pour compléter la collection déjà faite dans l'intérieur du puits.
   La première tâche de la mission autonome de Deir el Medineh fut donc de cribler les déblais de nos devanciers et de tamiser une cinquième fois nos propres déblais. Ce travail opéré sur une superficie de trois mille mètres carrés et une épaisseur de deux à cinq mètres, demanda vingt-huit journées et rapporta un gain de deux mille deux cents ostraca nouveaux dont un grand nombre très intéressants par les dimensions, la conservation et la nature des inscriptions.
   La seconde tâche, projetée et réalisée, fut le déblaiement du versant nord de la colline de Gournet Mouraï, en face du temple ptolémaïque d'Hathor. Ce secteur, maintes fois prospecté par les habitants de Gournah et par des archéologues, marque l'extrémité de la concession affectée aux ateliers funéraires du Nouvel Empire. C'est le complément de nos fouilles de 1940 et son voisinage du temple et du puits, sa relation historique avec eux et le village depuis le début de la XVIIIème dynastie jusqu'aux premiers siècles de l'ère chrétienne qui présentaient un intérêt assez puissant et urgent pour en imposer le désensablement exhaustif.
   Le résultat fut la remise au jour de onze tombes et d'autant de maisons disposées en deux étages. Les unes et les autres sont de la première époque de l'occupation du site au temps de Thotmès Ier et elles ont été spoliées, occupées, transformées, pillées depuis ce moment jusqu'à nos jours. Les morts du Nouvel Empire et les momies noires gréco-romaines se mélangent dans les hypogées. La céramique de la XVIIIème dynastie voisine avec la vaisselle copte.
   Mais la chose la plus remarquable est que presque chaque tombe, chaque maison renfermait une quantité plus ou moins grande de fragments de papyrus hiératiques et d'ostraca ramessides contenant généralement des textes magiques.
   A ce propos, il est essentiel de rappeler que presque tous les papyrus les plus connus du Nouvel Empire et souvent de la Basse Epoque, conservés dans nos musées, proviennent de Deir el Medineh et principalement de la région qui avoisine le temple d'Hathor. Schiaparelli a fouillé cette section de village et de nécropole en 1905. Il y fit ample moisson de papyrus et d'ostraca et c'est à Turin que doivent se trouver les compléments de ceux que nous avons glanés après lui.
   Notre récolte d'ostraca a été de deux cent soixante-dix pièces nouvelles, presque toutes très importantes. L'abondance d'écrits de toute nature, la fréquence des textes de magie prophylactique contre les attaques des bêtes venimeuses ou féroces, semblent indiquer la présence de nombreux scribes en ces parages, les préoccupations dominantes d'une époque au point de vue religieux; les goûts littéraires assez répandus parmi les artisans; l'envahissante paperasserie de l'administration et enfin, au point de vue des conditions d'ambiance, le pullulement des reptiles et des insectes.
Mai 1951
 
(Bernard Bruyère, Deir el Medineh. - Mission française 1950-1951, dans Chronique d'Egypte n° 53, Vingt-septième année, Musées Royaux d'Art et d'Histoire, Parc du Cinquantenaire, Bruxelles, Janvier 1952, pp. 111-2)   
 

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