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Arcadi Volodos : un OVNI au TCE

Publié le 09 mai 2009 par Philippe Delaide

Concert mercredi 29 avril au Théâtre des Champs-Elysées. Arcadi Volodos interprète un récital d'un niveau de difficulté indéniable, tant du point de vue technique que de celui de l'interprétation, comprenant des compositions de Scriabine, Ravel, albenitz et Liszt.

C'est visiblement sur Scriabine et surtout Albeniz qu'Arcadi Volodos a été éblouissant ce soir-là.

Sur les sept pièces de Scriabine interprétées en première partie, le pianiste déploie des couleurs saturées, accentue les contrastes, place chacune des compositions sous la marque d'une tension phénoménale, extirpant du Steinway des sonorités crues, dont la densité prend une forme effrayante. Dans la sonate N°7 opus 67 ("Messe blanche") il réussit l'exploite technique de superposer différents plan sonores, prolongeant certaines notes, pour obtenir un effet de "tuilage" dont la clarté et la transparence sont extrêmement rares au piano. Le Scriabine qui est révélé ici est bien sous l'emprise d'une réelle démence, d'un désespoir absolu.

Volodos 1
L'autre moment fort du concert a été indéniablement l'interprétation de Cordoba (Chants d'Espagne opus 232 n°4) et la Vega (Suite Alhamba n°11) d'Isaac Albenitz. Sous les doigts d'Arcadi Volodos, les ressorts profonds de la musique d'Albenitz se révèlent avec une limpidité rare et tout le mystère de cette musique nous emporte. On est littéralement hypnotisé par, à nouveau, les couleurs multiples du piano, le déploiement d'un univers poétique aux accents hispaniques, un sens du déroulement narratif exceptionnel.

Il n'y a que sur les Valses nobles et sentimentales de Ravel que l'on sent le pianiste virtuose bien moins inspiré. Son jeu naturellement lumineux , très physique et spontané est moins approprié aux tonalités plus fondues, en demi-teinte que demande ce morceau fameux de Ravel.

Enfin, Arcadi Volodos termine par une démonstration de virtuosité sidérante sur un extrait des Années de Pèlerinage de Franz Listzt (Après une lecture de Dante). Dans la note du 14 juin 2007, j'avais souligné la maîtrise absolue du répertoire Lisztien par ce pianiste. Dans le cas précis, on avait affaire à une démonstration de la vélocité surnaturelle du pianiste. Seulement, cette démonstration était inévitablement au détriment de la narration. Ce Lizst là n'était qu'un prétexte à un tour de force pianistique, à une démonstration sportive et plutôt musclée.

Arcadi Volodos est vraiment un artiste atypique, dont le niveau de fusion avec l'instrument est hors du commun. Ses capacités techniques exceptionnelles lui permettent d'explorer des compositions d'une grande complexité pour tenter de nous révéler leurs ressorts les plus profonds afin de pénétrer une part de leur mystère. Il est en tout cas indéniable que, si l'on peut ne pas adhérer à son approche esthétique, son jeu puissant, incisif reste toujours d'une grande clarté et ceci ne peut que conduire au plus grand respect.

Le public du TCE lui a réservé une standing ovation. C'est normal, il "jouait vite et fort"...


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