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Thematik au Krakatoa : Les @volutions du phonogramme

Publié le 09 mai 2009 par Mikatxu @crystalfrontier
Ce mercredi 29 avril, le Krakatoa organisait une journée d'information et de réflexion sur le paysage bouleversé du phonogramme, et ce que ça a entraîné pour les différents acteurs, qu'ils soient musiciens, producteurs de musique, tourneur ou distributeur.
Les intervenants étaient variés, et c'était le premier point positif de la journée. On dénombrait ainsi :
- Philippe Couderc, le patron du label Vicious Circle
- Matthieu Perrein, du label Banzaï Lab, par ailleurs musicien dans United Fools
- Christel Chapin, en tant que coordonatrice de la FEPPIA (Fédération des Editeurs et Producteurs Phonographiques Indépendants d'Aquitaine, voir site)
- Alan Lemesle, du label Clac Records
- Christophe Mauberqué, La Baleine Distribution
- Monsieur Mo, CD1D et label Jarring Effect
- Joël, de LazyLive
Bref, il y avait du monde, mais au moins autant de préoccupations ! Je vais essayer de mettre en forme les inquiétudes (légitimes) de ces acteurs, qui nous permettent d'écouter la musique que nous aimons...
De la différence entre le numérique et le physique...Cela paraît évident, mais à l'heure où l'on annonce à tort et (sans doute) à travers la mort du support physique, il est assez important de remettre en perspective certains chiffres. Dans le cas (certes) très précis de Jarring Effect, il faut savoir que les ventes en physique représentent 90%, et c'est un chiffre dont on est proches chez les autres labels indés présents ce jour-là.
Il convient d'ailleurs de signaler la différence entre les deux : si en numérique, on parle de chiffres d'affaires, l'important dans les ventes physiques est le volume / nombre d'exemplaires vendus. Ceci étant dit, il y a de nombreuses autres différences. Ainsi, lorsque les labels mettent à la disposition du public les disques en numérique, sur une plateforme comme iTunes, se posent alors quelques problèmes.
Le premier est celui de l'exposition : diificile de se retrouver en home-page de la plateforme d'Apple, et si tel est le cas, c'est souvent éphémère ou masqué par les grosses ventes. De plus, la sélection par morceaux a fait apparaître le risque d'un achat morcelé, qui forcément rapporte moins et est aussi contraire au travail de l'artiste qui aurait pensé son album comme une entité.
Avec le physique, ces problèmes se retrouvent sous une autre forme. Les grands disquaires (FNAC, Virgin) font diminuer la taille de leurs rayons, entraînant le maintien des gros vendeurs au détriment des jeunes artistes ou juste des indépendants. Or, le physique implique un travail en amont conséquent, puisqu'il inclut un packaging et une imagerie qui est partie intégrante du succès (ou non) du disque. Avec le problème (là encore) de l'exposition réuite, c'est tout ce travail en amont, coûteux et colossal, qui est zappé, avec les risques que cela entraîne.
Le retour du live au centre...Forcément, avec la baisse réelle des ventes, ou au mieux la stagnation de celles-ci, il faut bien que d'autres activités assurent aux musiciens leurs subsistances, et c'est au travers de l'exemple concret de Banzaï Lab que quelques réponses ont pu apparaître.
Le premier constat, aussi lapidaire soit-il, est aussi le plus réaliste : vivre de sa musique, de nos jours, en France, relève de l'utopie ou presque. La solution adoptée par le label associatif est somme toute assez simple. Il s'agit de tourner, et de mutualiser les revenus générés pour financer les activités de l'association. Banzaï Lab fait d'ailleurs preuve d'une belle activité, qui l'a vu srtir 4 albums (dont le dernier, de United Fools, vient juste de sortir) ainsi que deux compilations. Le tout a été écoulé à quelques milliers d'exemplaires au total (4600 environ), mais c'est sur les outes que le collectif a fait sa renommée, avec des tournées partout en Europe. Pour subsister, les musiciens ont accepté d'outrepasser leur simple fonction de musiciens, avec des activités de design sonore, prof de musique, et ainsi, cela leur permet de tourner et continuer à produire de la musique.
C'est dans cette perspective qu'une plateforme comme Lazylive trouve son sens. Outre la fonction de site de téléchargement pour groupes de scène, la société reverse d'elle-même, en plus des royalties, un soutien tour pour que les groupes puissent continuer à tourner, et ainsi entretenir un cercle vertueux qui entraînerait (dans le meilleur des cas) un schéma de ce type "Oh j'ai adoré le concert de X, achetons sur Lazylive l'album de X, comme ça, j'aurai une chance de le revoir !". Pas si bête, et en tout cas manifestement plutôt efficace.
Quid de la distribution ?Finalement, la distribution n'est pas ce qui est le plus connu dans la chaîne qui amène la musique au public, mais c'est pourtant u aspect fondamental. Et d'ailleurs, il ets à noter quelques chiffres, assez instructifs et qui mettent en lumière le poids de la distribution :
- Sur un disque à 15 euros, la répartition est d'à peu près 10 euros pour le distributeur et 5 euros pour le label (producteur).
- Sur un disque en digital à 10€, la répartition est plus égalitaire, avec 5.5€ pour le distrib et 4.5€ pour le label.
Ceci étant dit, le digital a eu comme effet pervers, comme vu précédemment, d'encourager l'achat morceau par morceau, et donc ce chiffre pour le numérique, aussi avantageux soit-il, n'est pas souvent une réalité pour les labels.
Pour en revenir à la distribution proprement dite, les différences entre physique et numérique sont là aussi assez prégnantes, avec d'un côté un support qui nécessite un stockage conséquent, et de l'autre un support numérique et que les aggrégateurs de contenus ont rendu d'autant plus simple à distribuer. Le numérique est désormais un produit phare pour la distribution, car il est une vitrine simple et peu onéreuse.
Il n'est désormais plus rare qu'un groupe donne son dernier single, ceci répondant à l'érosion quasi totale des ventes de single, en tout cas en physique. Ceci a une valeur de visibilité, et n'est rendu possible que par la dématérialisation.
Le numérique est donc un nouveau moyen pour la distribution d'atteindre le public, un moyen plus économique et qui peut aisément être relayé (sites, blogs...). En revanche, pour les producteurs, la distribution numérique de leurs catalogues n'a eu que peu d'impacts sur leurs revenus (achats majoritairement d'un titre).


Mais si le problème...C'était une question "d'éducation" ? J'avoue, j'ai vraiment tiqué quand j'ai entendu le terme...Ces propos font référence au manque de respect dû à la musique en général. Cela s'applique aux "écoutants" (nous), qui consommons la musique sous une forme ou une autre, parfois destructive (mp3), mais aussi aux majors, qui ont, notamment avec Deezer, contribué à dévaloriser la musique en véhiculant une certaine idée de la gratuité.
Or, comme l'a souvent dit Philippe Couderc, un dispositif comme Deezer, sous couvert d'une vraie légalité, a instauré l'idée qu'écouter de la musique en streaming, c'était le bon plan pour tout le monde. Sauf que non : pour plus de 22 000 écoutes (intégrales !) d'un titre, un label comme Vicious Circle touche 22.85 €. Dérisoire, et nocif : le site se garde bien de diffuser ce genre de tarifs, qui peuvent flinguer les ventes d'un disque, mais se targue d'être une alternative tangible et financièrement intéressante pour lutter contre le piratage !
L'autre écueil pointé du doigt par les acteurs de la journée, c'est le manque de valeur associée à la musique : d'art, elle est passée à un statut un peu bâtard de produit de consommation courante, qu'on peut avoir avec son nouveau téléphone portable ou son menu au McDo. Et c'est aussi cette dévalorisation que doivet combattre les éditeurs phonographiques. C'est pour cela que l'initiative d'un groupe comme Metisolea, qui a attaché un soin méticuleux au packaging de son dernier disque peut être salutaire, en apportant vraiment une valeur ajutée à l'objet physique.
Finalement, ce qu'il est ressorti de cette journée, c'est que justement, il n'y a pas de solution évidente ! Le secteur est indubitablement en crise, et il est extrêmement difficile que d'y survivre lorsqu'on n'a pas les reins très solides. Pourtant, on sent qu'il y a une vraie passion qui anime le milieu (mais comment tenir sans ?), des iniatives voient le jour, et que les acteurs n'ont pas attendu la loi "Création et Internet" pour réfléchir à des solutions.
Mais il y aura toujours cette marge incompressible, sur laquelle il est quasi impossible d'agir, ce sont tous ces comportements de Robin des Bois de cours de récré, qui mettent à tourner Emule 24h / 7, sans se poser la question de l'impact que cela a. Mettons-nous à la place de gens comme Monsieur Mo ou Philippe Couderc : en un clic, c'est un peu des six mois passés à défendre un disque, un groupe et des êtres qui leur sont chers, qui leur est volé. N'est-ce pas compréhesible qu'ils se sentent lésés ? Le disque est encore un bel objet, il a une valeur, une histoire aussi. C'est pour cela qu'acheter un disque, l'ouvrir et le mettre sur sa platine a ce petit côté miraculeux et reste ce plaisir fugace mais flatteur. A nous de faire en sorte que celui-ci perdure...

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