Avec les plus aimés, amis, filles et femmes aimantes, il me faut un peu paraître. Avec ma mère, je n’avais qu’à être ce que j’étais, avec mes angoisses, mes pauvres faiblesses, mes misères du corps et de l’âme. Elle ne m’aimait pas moins. Amour de ma mère, à nul autre pareil.
Avec elle seule, j’aurais pu vivre loin du monde. Jamais elle n’aurait, comme d’autres, pensé : il ne publie plus de livres, ou : il vieillit. Non. Mon fils, se serait-elle dit avec foi. Eh bien, moi, je t’envoie, les yeux ennoblis par toi, je t’envoie à travers les espaces et les silences, ce même acte de foi, et je te dis gravement : ma Maman.
Albert Cohen, Le Livre de ma mère. Gallimard, pages 105-106
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