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Margaret Laurence, Les habitants du feu, Joelle Losfeld

Publié le 14 mai 2009 par Irigoyen
Margaret Laurence, Les habitants du feu, Joelle Losfeld

Margaret Laurence, Les habitants du feu, Joelle Losfeld

Dans son petit pavillon de Vancouver au Canada, Stacey MacAindra voit poindre le jour de son quarantième anniversaire sans aucun enthousiasme, fatiguée de vivre une morne existence malgré les arrivées successives de Katie, Ian, Duncan, et Jen, les quatre enfants nés d'une union avec Clifford, le mari.

Publié en 1969, Les habitants du feu est la chronique d'une de ces héroïnes anonymes du quotidien qui a progressivement perdu sa condition de femme pour ne plus devenir qu'une bonne épouse, une bonne mère de famille. La faute à qui ? A la société répond Margaret Laurence qui décrit un lent processus de déshumanisation.

Celle-ci gangrène insidieusement le foyer. Clifford, le mari, que Stacey appelle Mac, est absorbé par un travail auquel il ne croit pas. Son employeur, l'entreprise Richalife, produit de petites pilules censées améliorer le tonus et la vitalité des consommateurs. A chacun d'entre eux correspondrait un dosage particulier. Pensant faire bonne figure auprès de Thor, un patron sûr de lui et de ses convictions managériales, Clifford se donne corps et âme à son activité. Il rentre de plus en plus tard et communique de moins en moins avec sa femme.

Prise dans l'organisation de la maison, Stacey « bovaryse ». Elle fait appel à ses souvenirs de jeunesse lorsque, dans sa petite ville imaginaire de Manakawa – ce roman marque d'ailleurs le « cycle de Manawaka » -, elle était insouciante et rêvait d'une autre vie. Et quand elle n'est pas absorbée par le passé, elle se laisse embarquer par des hommes qui ne voit en elle qu'un corps, comme Buckle, le camionneur, ami de Clifford ou encore Luke Venturini dont elle s'amourachera un temps.

Margaret Laurence montre des individus incapables d'échapper au rouleau compresseur de la vie. Du coup, tout libre-arbitre semble impossible, tout aspiration à un un avenir meilleur semble caduque. Et ce ne sont pas les réunions censées vanter les mérites de boîtes de plastique auxquelles Stacey participe avec ses voisines immédiates, Tess et Bertha, qui sauraient apporter une bouffée d'oxygène. Pas plus que les mauvaises nouvelles délivrées par les journaux télévisés sur la guerre au Vietnam.

L'auteure, qui a mis fin à ses jours en 1987 alors qu'elle était atteinte d'un cancer du poumon ne laisse pas à aucun optimisme. Car ici, pour s'en sortir, les personnages, toujours sur le fil du rasoir, sont contraints de trouver des dérivatifs: les pilules, l'alcool, la cigarette. Le couple est en permanence sous tension et il n'en faudrait pas beaucoup pour que tout explose. Mais la société, le regard des autres obligent chacun à rentrer dans le rang. Ainsi, Stacey n'a d'autre alternative que d'être fidèle à sa vie, sous peine d'être considérée comme une mère ou une épouse démissionnaire.

Les phrases, souvent courtes, s'enchaînent à un rythme effréné afin de montrer un personnage ballotté, n'ayant que peu de contrôle sur son destin. On remarquera l'absence totale de ponctuation dans certaines phrases, en particulier dans les dialogues. Dialogues qui laissent parfois place à de nombreux monologues intérieurs. Comme si l'auteur cherchait par tous les moyens à s'extraire de la narration et laisser le champs libre à son personnage. Pour mieux lui rendre hommage.


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