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La vie même

Par A_girl_from_earth
LA VIE MÊME


LA VIDA MISMA
( LA VIE MÊME )

Aaah Paco Ignacio Taibo II, quel personnage, tout un poème à lui tout seul!

C'est ce que j'ai réalisé en le découvrant au Salon du livre à Paris cette année et il me tardait de lire enfin un de ses romans depuis, alors même que son nom traînait sur ma LAL depuis des années sans que je ne sois jamais assez motivée pour me décider à le lire.
C'est Jean-Marc Laherrère qui m'a aiguillée sur ce titre parmi d'autres, et je suis ravie de ce choix car il aurait été dommage que je tombe sur LE livre qui aurait terni la belle image que j'ai de cet auteur.

La vie même est, à mon sens - et bien que je n'aie pas lu d'autres romans de lui (encore) - le roman idéal pour découvrir cet auteur en douceur et apprécier sa verve, son humour teinté d'ironie et son sens de la  dérision. J'avais vraiment l'impression d'entendre sa voix à travers ce récit et j'étais vraiment ravie de le retrouver à travers ses écrits. Difficile en effet de le dissocier du personnage principal, un célèbre écrivain de romans policiers, un écrivain qui aurait pu être lui, un écrivain qu'on va nommer chef de police d'une petite ville mexicaine et qui n'a comme expérience des affaires policières que ce que son imagination lui dictait pour ses romans.
Dans ce contexte déjà assez farfelu à la base et qui ressemble à une grande farce, notre écrivain/chef de police se retrouve à la tête de la police municipale de Santa Ana, qui rassemble des personnages sur lesquels on ne parierait pas grand chose, aucun n'ayant vraiment un cursus policier, et auxquels on s'attache assez facilement au fur et à mesure que l'histoire se déroule.
Notre écrivain/chef de police est particulièrement truculent dans l'exercice de ses fonctions. N'ayant aucune expérience pratique du métier, ses réflexions sont dictées par son intuition d'écrivain de romans policiers, et son comportement par ses nombreuses références cinématographiques dont il se plaît à incarner les acteurs (excellent ça!).

On serait tenté de résumer son quotidien à la mission de faire régner l'ordre et la justice dans cette petite ville, mais dans un système corrompu de la base au sommet, responsable entre autres de l'assasinat de ses deux derniers prédécesseurs, et surveillant les moindres faits et gestes de notre nouvelle équipe jusqu'à entraver les enquêtes si nécessaire, c'est surtout survivre qui occupe une bonne partie du temps.


Quand le corps d'une gringa est retrouvé poignardé dans une église, notre écrivain/chef de police va se retrouver confronté à une affaire des plus intrigantes dont on va lui faire comprendre en haut lieu de ne pas se mêler. Ce n'est pas sans sang-froid qu'il va tout de même s'y atteler, à ses risques et périls.
 
Voilà de quoi nourrir l'intrigue d'un nouveau roman policier qu'il pourrait écrire et dont il résume les faits en ces termes:
"Il s'agit d'un roman avec de foutus crimes, mais l'important ce ne sont pas les crimes, c'est (comme dans tout roman policier mexicain) le contexte. [...]
Aussi cette histoire a plusieurs pourquoi, me semble-t-il. Les personnages ne sont pas très brillants, [...] ils sont plutôt opaques.
[...] Il y a d'autres personnages plus sordides, plus quotidiens. [...] Ils exercent le mexicanissime métier de tuer sur ordre.
Voilà à quoi j'aimerais travailler, mais je ne parviens pas à m'identifier avec ces personnages, j'ignore s'ils suent des mains ou si leurs yeux se voilent dans l'exercice de leurs fonctions."

C'est bien sûr l'essence même du roman qu'on a sous les yeux et j'ai trouvé ça vraiment très amusant cette auto-analyse très lucide de P.I.T.II sur son intrigue, où perce une certaine insatisfaction. La dernière phrase est particulièrement drôle et intéressante, je trouve, ce questionnement par rapport à la genèse de ce roman, cette confidence précieuse de l'écrivain qui évoque une certaine fragilité, les doutes qui peuvent l'assaillir dans son travail.
J'ai adoré aussi la partie correspondance de l'écrivain/chef de police avec sa femme, une correspondance à sens unique à la fois drôle et touchante, touchante/triste parce qu'on comprend qu'il l'a perdue en acceptant cette aventure, et drôle parce que P.I.T.II est un pitre incurable et qu'il ne manque pas de l'exprimer à travers ses personnages.

"C'est encore moi, mais cette fois-ci je ne te demande rien (à propos, envoie-moi l'agrafeuse verte)..."

Quelques phrases que j'ai trouvées intéressantes:
"... le meilleur roman est celui qui ne se termine jamais, auquel on pense tout le temps, celui qu'on porte en soi pour toujours et qui mourra avec vous à cause de ce mariage absurde entre le livre qui ne sera jamais fait et l'homme qui jamais ne l'écrira."
"Les livres que j'ai achetés et que je n'ai pas lus pourraient résoudre les problèmes d'une bibliothèque de lycée à Camagüay."

(celle-ci je devrais me l'afficher en grand au-dessus de ma PAL...
LA VIE MÊME
)
Et je n'ai pas résisté à cet extrait d'un passage inattendu que j'avais trouvé désopilant et joliment rédigé:
"Comme chacun sait, le sexe constitue en une série de réactions en chaîne qui commence par des bruits [...], et le cerveau voyage, il envoie des signaux au zizi. Quand on est sourd, tout est bien contrôlé, mais J.D. ne l'était pas."
Enfin, la phrase qui explique le titre et qui éclaire également la raison pour laquelle j'ai beaucoup aimé le concept de ce roman:
 
"Voilà ce qui me plaît dans ce roman, qui n'a pas de fin, qui n'est pas fermé, qui est, comme je te disais de mes journées à Santa Ana, comme la vie même."
Hé oui car dans ce roman, il y a des éléments sans réponse, on ne saura pas pourquoi le corps était dénudé, ni pourquoi il était exposé dans l'église, tous ces détails dont l'absence d'explications aurait pu m'énerver dans d'autres livres, mais ici ça colle bien au parti pris de l'auteur de se calquer sur "la vie même", remplie de questions sans réponses, et ça contribue au côté très réaliste de cette histoire qui n'a de farce que son apparence.
Cette absence de lumière sur certains faits ne nuit d'ailleurs pas à l'appréciation du récit dont la conclusion est pleinement satisfaisante et ne laisse pas sur sa faim...
... ou alors je manque totalement d'objectivité parce que je suis encore sous le charme de P.I.T.II!
LA VIE MÊME

Extrait de la quatrième de couv':
"La vie même a remporté le Prix Hammett, décerné par l'association internationale des écrivains de romans policiers, en 1987."
L'auteur
Figure de la littérature mexicaine, Paco Ignacio Taibo II se fait connaître avec ses polars modernes, inspirés des luttes sociales. Président de l'Association internationale du roman noir, le romancier collabore activement à l'organisation de la Semana Negra, festival de littérature et de cinéma de Gijón. Ce fils d'immigrés espagnols socialistes ayant fui le franquisme, continue sur la voie tracée par son père.Très populaire au Mexique, Paco Ignacio Taibo II, manie aussi bien le discours politique que les ficelles du polar et commence à se faire entendre sur la scène internationale, notamment en France où ses ouvrages sont édités aux éditions Rivages et chez Métailié.
Source: www.evene.fr


Lu dans le cadre du deuxième tour du défi
LA VIE MÊME

(DAL 2 - 2 / reste 05
LA VIE MÊME
)


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