Autant
dire qu'on y croyait pas du tout... De par la notoriété de l'acteur
principal du film de Johnny To, le monde "agglutiné" autour du
palais, l'heure et la date de la projection (un dimanche à
20h00),
il y avait de quoi décourager.
Bon, afin de comprendre
le
fonctionnement des projections, le palais, les places et les horaires,
voici un "guide du parfait petit festivalier" et ses règles qu'il est nécessaire de connaitre avant de se lancer à l'assaut du 7ème art
Cannois !
Tout d'abord, il faut savoir qu'un même film passe
deux ou trois fois dans la journée. Séance du matin, du midi et du
soir, cette dernière étant souvent la projection "officielle" (celle
que l'on voit à la télé), en présence de l'équipe du film, et donc par
définition assez "select".
Il existe deux types d'invitations (les
rouges et les bleues) et deux grandes familles de badges : Cannes Cinéphile
(pour le grand public, comme vous, comme nous) et les autres (professionnels,
journalistes, monde du
cinéma, etc...). Pour être valable, les invitations rouge ont besoin d'être accompagnées d'un badge. Jusqu'à l'année dernière, tous les
badges étaient acceptés. Cette année, au bout du 3ème jour de festival,
les organisateurs changent les règles d'entrée dans le palais, les
badges Cannes Cinéphile n'étant plus les bienvenus ...
Étrange, surtout après avoir assisté à l'élocution de Monsieur Frémaux le premier jour, qui vantait
l'accès facilité aux projections pour les cinéphiles comme nous, afin
de défaire l'image d'un festival "luxueux" réservé à quelques
privilégiés... Les Cannes cinéphiles doivent donc
désormais se
rabattre sur les salles annexes où les films en compétitions sont
également projetés "en séance du lendemain".
Bref, unique
possibilité pour nous d'accéder au palais, et participer à ces
projections si particulières que seul Cannes est capable d'offrir,
trouver des places bleues... ou alors trouver un "bon badgé" (professionnel) ayant une
place bleue et acceptant d'échanger avec une place rouge (tout le monde a suivi ?). Quasiment
impossible aujourd'hui ...
La première séance de
Vengeance avec
Johnny Hallyday était à 8h30, trop tôt pour nous ! (quand même, en se
couchant tous les soirs entre 3 et 4 heures, il y a un moment où le
corps humain dit "non" ...). On tente donc le tout pour le tout, séance
de 19h30, en présence de l'équipe du film...
Arborant notre plus
beau costume et notre plus beau sourire, nous nous postons à l'entrée du premier check-up des places (il y en a trois en tout, avant d'arriver au fameux
tapis
...), et nous demandons...
"Auriez-vous une invitation supplémentaire,
s'il vous plait ? Please..."
Vous croisez à ce moment là deux types de
comportement. Il y a ceux qui vous observent de façon hautaine,
voire désagréable, ignorant presque votre existence physique. On est peu de
chose ... Et il y a les autres, ceux qui vous donnent le moral, ceux
qui vous sourient et vous encourage dans votre soif cinématographique, et
ce sont souvent ceux là qui vous aide à passer le sas d'embarquement
vers le tapis rouge.
Évidemment, c'est
toujours quand on ne s'y
attend pas que ça nous tombe dessus .. Deux hommes dont l'apparence me
faisait penser aux séries américaines, des baroudeurs bronzés et
souriants, la cinquantaine, genre producteurs, vous voyez ? Des "George
Clooney" pas connus, la catégorie de personnes que l'on approche pas, plutôt
discret malgré tout, et qui n'ont plus besoin de photographes pour
exister ...
L'un des deux m'observe, discute avec le second, puis
s'approche en me tendant un ticket avec le sourire, me souhaitant bonne
séance... Je lui renvoie un fébrile "thank you", l'invitation bleue en
main. Pendant que "Georges" s'éloigne, j'observe le ticket de plus près... "Invitation Orchestre"... les meilleures places dans le
palais, et on est
assuré de ne pas être loin de l'équipe du film .. Puis deux
autres places bleues me tomberont entre les mains, Nico et Olivier en bénéficieront.
En bas du tapis, parmi
les visages connus dont il
m'est impossible d'y associer un nom, j'aperçois Michel Denisot et Ariane
Massenet, et décide de leur emboiter le pas pour le passage des
photographes. Je prend mon temps, aveuglé par les flashes... Réflexion
absurde pendant ma montée des marches, je ne savais pas quoi faire de
mes mains ! Dans les poches ? Les deux ou une seule ? C'est un tout un
métier de
rester naturel, et se mettre en scène ...
Arrivée en haut des marches,
je salue les hôtes du
palais, Messieurs Thierry Frémaux et Gilles Jacob, accompagnés de Monsieur le
maire de
Cannes. Cordialement, ils me saluent à leur tour. J'en profite pour
glisser un petit "bonjour Ariane" toujours à mes cotés, allant
faire la
bise à Thierry Frémaux ... Je décide de les laisser dans leurs échanges,
je n'étais pas à ma place après tout ...
J'étais confortablement installé en
orchestre quand Johnny entre en scène, sous les applaudissements. Il
est un peu tendu, les retours sur la première séance du matin étant
très négatifs... Pendant la projection, quelques rires fusent, de
nombreux
spectateurs s'ennuient ...
La lumière se rallume,
pas d'acclamation
tonitruante, juste des "bravos" cordiaux, plus pour la star de concert
que pour la performance d'acteur... Je m'approche de l'équipe, voit
Johnny et Lætitia de près, le chanteur à l'air fatigué, les yeux
rouges... Il semble triste et atteint, ça m'a touché. Johnny
Hallyday est un homme de cœur, et son passage à Cannes doit être éprouvant...
Le couple sort sous les
applaudissement, la star ne lève pas
les yeux vers le public qui l'appelle, dur pour les fans ...
Je traine
un peu dans la salle... Quand soudain, comme sorti de nul part,
Quentin Tarantino en personne, à dix mètres (je les ai comptés) de moi, presque tranquille, un simple
spectateur cinéphile venu voir un film d'action de Hong Kong... Pour
sortir de la salle, il doit passer à coté de moi, je décide donc
d'attendre ... Enfin à porté, je le salue,
il me tend la main et me remercie. J'étais aux anges. Tarantino quand
même !
Sa proximité m'a même gêné pour prendre une photo, je n'avais pas assez de recul...
Je
retrouve les trois autres mousquetaires dehors, déçus également par le
film, mais content d'avoir assisté à ce genre de projection. Johnny
Hallyday est
une icône, mais probablement affaibli par ses choix de lunettes et de
films.
Pas facile de s'improviser acteur, mais quand on voit la réussite du
film avec Cantona le
lendemain, on se dit que tout est possible ...
Seb