Dans le chemin, les anémones pulsatilles ont étiré leurs corolles en petits plumeaux qui capturent la rosée. On pourrait croire qu’il s’agit d’autres plantes, mais non, ce sont bien toujours les anémones. Elles se transforment pour mieux revenir identiques à elles-mêmes, dans un an. Pendant que les lilas enveloppent la maison de parfum, les jonquilles finissent leur brève saison sur les hauteurs. Les narcisses, moins nombreux mais plus odorants, leur succèdent. Le grand pré derrière la maison m’a pris de vitesse et je me retrouve avec trois mille mètres carrés de foin. Plus question de parler de tonte mais de fauchage... Tout autour, les frênes, qui sont les derniers à dérouler leurs feuilles et les premiers à les perdre, s’ébrouent dans les courants d’air chaud. Certaines nuits, la lune semble poussiéreuse entre les nuages d’orage. Le feuillage tout neuf du tilleul filtre le halo du dernier lampadaire du village. Dans la zone sombre du ciel, quelques lointains éclairs. Effet de fœhn. Au printemps, ma grand-mère appelait ce phénomène « le vent foliéru » (le vent des feuilles) et en automne « le vent défoliéru » (le vent qui les enlève). Ces jours et ces nuits de vie intense, dans les bourrasques joyeuses et parfumées, je l’entends : « tiens, voilà le vent foliéru ! »
Photo : jonquilles dans le Haut-Jura (photo MCC, mai 2009).