Magazine Beaux Arts

Pour une archéologie du numérique

Publié le 22 mai 2009 par Gregory71

La production artistique est un ensemble de traces laissées à l’histoire. Tel fut, paradoxalement, le passé de l’art. Depuis nous jouons avec cette idée, inscrivant et effaçant, rendant duplices et ambigues toutes ces traces, notre passé comme votre avenir. Le jeu a peut être pris fin. Il est devenu autoréférentiel et ennuyeux.

D’autres traces s’accumulent, ne cessent de s’accumuler chaque fois que mes doigts pianotent sur un clavier, ordinateur ou distributeur automatique, chaque fois que ma voix se dépose, s’entend et s’écoute, sur un répondeur ou dans un service à la clientèle. Les entreprises ont une folie de la mémoire, elles peuvent tout enregistrer. Dans quel lieu toutes ces données s’accumulent? Est-ce un trésor de guerre? Pour qui? Et pour quand?

Il n’y a pas à revenir sur la révolution historiographique qu’une telle accumulation produira sans doute puisque l’histoire des anonymes (les anonymes qui devaient justement être oubliés pour que l’histoire soit construite) est une nouvelle façon de configurer l’histoire. On pourra bien sûr dénoncer cette vaine collection, ce chaos de données, mais ce serait encore là un jugement fait au nom dont ne sait quel tribunal, dont ne sait quelle autorité. Il faut savoir entendre ce qui arrive dans cette archéologie avenir, même si, parce que nous ne savons pas comment la penser dans la mesure ou les conditions même de rétention et de mémorisation changent, dans le mesure ou le savoir est bouleversé quant à sa possibilité même, quant à son langage. Nous sommes à un tournant.

Il n’y a donc pas lieu de revenir sur cela. Il est question ici simplement de voir si ce qu’une époque (passée) a nommée l’art survivra à cette transformation historique des traces. Chaque époque fait bien sûr le coup de la fin de l’art comme manière de mettre en scène sa propre fin, son propre avenir. Ne nous laissons pas piéger par ce fantasme, mais essayons, puisque c’est déjà notre temps, de penser les conditions de cette archéologie. Pensons au chiffonnier de Benjamin, à cette attention que l’historien peut accorder non seulement aux grands événements mais aussi à l’infime et à l’oublié. Pensons aussi à ce montage méthodologique que Didi-Huberman tente d’élaborer avec succès je crois depuis des années. Montage de l’hétérogène qui pourrait fort bien s’adapter librement à cette foule d’informations mémorisées. Et je ne peux m’empêcher de voir le réseau, ou plus exactement les extractions faites en lui, comme des possibilités pour d’immenses atlas d’une sensibilité qui n’existe pas encore.

Essayons de penser l’avenir de la mémoire comme notre passé dont les conditions sont inextricablement technologiques et anthropologiques.


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