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En attendant les images ...

Par Ericsansault

Alors que je suis dans le coffre de ma Holden Comodorre, en pleine nuit au milieu des maisons vides de la ville fantôme de Yerranderie dans les Blue Mountains, je me décide enfin à écrire quelque chose. On ne sait jamais, si ça se trouve le gentil bouseux avec qui je discutais il y a deux heures - et qui semble être le seul habitant à 100 km à la ronde – s’avère être un serial-killer, c’est peut-être les dernières lignes que j’écris. Autour de moi : les maisons abandonnées de l’ancienne ville minière de Yerranderie, des bicoques vides et sinistres au milieu desquelles paissent quelques kangouroux gris. Il pleut, je mange des olives australiennes sur des crackers au fromage australiens en écoutant le Best Of d’Elton John. Comme quoi, la solitude peut parfois perturber l’esprit …

Il y a tout pile deux semaines, j’arrivais à Sydney, ville superlative et capitale du New South Wales. Arrivé à l’aéroport, je montais dans un taxi qui m’emmenait au centre ville où je trouvais une auberge pour y passer la nuit. Vingt-trois heures d’avion avec une escale à Singapour et 8 heures de décalage horaire, ça fatigue un peu. Dans ma chambre, au Westend Backpackers, sur Pitt Street, trois irlandais, Matt, Steve et Sean. Ils galèrent depuis 3 mois car ils ne trouvent pas de job, ni ici, ni à Brisbane, dans le Queensland. J’ai vite compris pourquoi : couchés complètement beurrés tous les soirs et ne passant des coups de fil qu’à partir de 16h, ils n’ont pas vraiment assimilé que les Australiens finissent de travailler à 16H !
Enfin, bref, je passe ma première semaine à faire des trucs de vrai touriste et parfois c’est tellement touristique qu’il y a presque plus de Français que d’Australiens ou d’asiatiques ! Ceux qui connaissent ma légendaire misanthropie auront deviné que je n’ai, bien sûr, parlé à aucuns d’eux.

Donc voilà, les journées passent, entre l’Aquarium de Sydney et Wildlife World, les célèbres Royal Botanic Gardens, l’Opéra, Harbour Bridge … Si vous voulez en savoir plus, achetez le Lonely Planet. Quelques balades dans les quartiers de China Town, juste à côté de mon hôtel, et Kings Cross, vers l’Est.

En parlant de Kings Cross, dont on m’avait dit qu’il fallait absolument y aller, que c’était LE quartier animé pour les backpackers, etc, etc … je voudrais signaler qu’après m’y être promené de nuit comme de jour, je trouve que c’est le quartier le plus pourri de Sydney. De jour, il y a que des piliers de comptoir et des Sex Shop, et la nuit on croise quand même beaucoup de putes et de dealers. Cela dit, pour celui ou celle qui aime se déchirer au pastis en matant des pornos puis se trouver une asiat’ de 16 ans et sniffer un rail de coc’ entre ses nichons, c’est un endroit agréable. Mais bon, en décidant de venir en Australie, je voulais surtout essayer de découvrir de nouvelles choses …

Question faune du coin, c’est assez limité mais tout de même dépaysant. Des Garden Skinks un peu partout, les très bruyants Sulphur-crested Cockatoos qui se frittent avec les Grey-headed Flying Fox. La nuit, dans les parcs un peu observer des Common Brushtail Possum avec leur queue en panache. Aux jardins botaniques, on trouve les peu farouches Masked Lapwing et autres Common Myna. Quelques libellules, comme l’Adversaaeschna brevistyla ou des Hémicordulies (non encore identifiées) entre autres.

Le seul Laridé commun ici la Silver Gull, mouette rieuse à l’Australienne, toujours prête à piquer dans votre assiette et très bruyante. Assez élégante cependant, ce qui change de l’Ibis blanc, pas, mais alors pas gracieux du tout. Parfois, on voit un bec noir sortir d’une poubelle, c’est lui ! Il monte sur les tables, marche dans les tasses … Et puis ça reste un Ibis, c’est-à-dire un truc quand même assez moche.
Pour rester dans les bestioles volantes, on rencontre aux Royal Botanic Gardens, une chauve-souris impressionnante. La Grey-headed Flying Fox (à oui, au fait, je n’ai pas les livres en français sous la main, donc les noms communs sont uniquement en anglais, désolé) se regroupe en colonies de plusieurs centaines d’individus. Le jour, on peut voir des espèces de grappes noires et rousses en haut des arbres. Ce sont elles. Se réveillant parfois et volant d’arbre en arbre en pleine journée.

J’en profite aussi pour ouvrir un compte bancaire, commander une carte de crédit, faire un virement de la France vers ici, acheter des bouquins, chercher une caisse. Les dix premiers jours passent très vites, surtout qu’à Sydney tout va très vite aussi.
Et me voilà, samedi 16 mai 2009 à 10H00, sur William Street, avec mes 30 kg de bagages, mes papiers, mes bouquins, mes rêves d’enfant tournant la clé de contact de ma Holden Comodorre de 1994. Direction les Blue Mountains National Park, à environ 70 bornes de Sydney. Petit détour par un supermarché pour acheter le matos qui va bien : bouffe, flotte, bacs en plastique pour ranger mes affaires, huile de moteur, liquide de refroidissement, atlas routiers … le plein d’essence et c’est parti !

Arrivé dans la ville de Katoomba, vers 19H, je me gare sur le premier parking venu. La nuit est froide, heureusement que j’ai mon super duvet ! Celui qui avait été testé dans l’Aladag, en Turquie, avec mes amis – qui seraient bien contents d’être ici avec moi. Enfin pas ici en ce moment, mais ici en général, mais bon j’en dirai plus tout à l’heure. Le lendemain matin, je me dirige vers Echo Point, point de vue donnant sur la formation rocheuse appelée The Three Sisters. La légende veut qu’un Roi ait fait changer en pierre ses 3 filles afin qu’elles ne soient plus convoitées par trois courtisans. Malheureusement, la Roi est mort avant d’avoir fait lever le sortilège et les trois sœurs sont condamnées à rester prisonnières de leur enveloppe minérale pour l’éternité.

Vers 9H30, je prends la direction de Wentworth Falls et de la Valley of the Waters pour faire une journée de randonnée. La vue est sublime, on marche sous les cascades à flanc de falaise, au milieu des Honeyeaters et des Yellow Robin, ça déchire vraiment. Les premiers petits passereaux observés sont des Brown Thornbill et les White-browed Scrubwren. Ils ne sont pas farouches du tout et approchent naturellement à moins d’un mètre. Je « piche », juste pour voir ce que ça donne ; c’est encore mieux, ils viennent par dizaines, tous excités et piaillant comme des tarés.

Les sentiers sont très bien aménagés – le site accueille des millions de visiteurs par an – et les accès très bien sécurisés tout en restant naturels. Certains parcours de randonnée sont plus ou moins difficiles, parfois il faut monter et descendre des échelles presque verticales. Le soir venu, je reprends la route vers Nattai. Deux heures d’embouteillages et deux heures de plus à rouler dans la campagne australienne en pleine nuit, et j’arrive à 80 à l’heure tout droit sur une barrière fermée. Heureusement que la caisse a de bons freins ! Le Nattai NP est fermé la nuit et ouvre à 10H00 le lendemain matin. Fait chier ! Tant pis, je suis crevé, je me gare à côté et passe la nuit.

Le lendemain matin, je prends mon rouleau de papier toilette et pars chier dans les bois. Alors en soi c’est pas vraiment intéressant, mais d’aussi loin que je me souvienne, c’est la première fois que je chie dans les bois. Je suis donc officiellement un homme.
Il est 7h00, je n’ai pas envie d’attendre l’ouverture du parc et je décide de contourner les Blue Mountains par l’Est. Les accès au Nattai NP sont très restreints car le parc abrite le lac Burragorang, réserve d’eau potable pour Sydney et ses environs. De détours en détours, je termine ma route à Thirlmere Lakes, quatre étangs un peu pourris comme on fait si bien en Touraine. Mais tant pis, je ne vais pas rouler toute la journée. Je prospecte autour des étangs, dans les bois et sur les petites collines alentour à la recherche de bestioles sympas à photographier. Je croise quelques wallabies à cou roux. Les oiseaux du coin sont nouveaux pour moi, Little Pied Cormorant, Australian Grebe, Musk Dusk, White-faced Heron, le grimpereau local - White-browed Treecreeper - et les trop mignons Superb Fairy-wren.
Pas beaucoup de reptiles, seulement un Grass Skink (Lampropholis guichenoti) et un très probable Tiger Snake (Notechis scutatus) que je n’ai pas attrapé. Non pas qu’il ait été rapide, c’est surtout moi, qui, étonné par cette rencontre n’a pas réagi au bon moment pour lui sauter dessus.
À la tombée du jour, ce paysage assez banal devient vraiment superbe, j’en profite pour faire quelques photos.

Je continue vers le Sud et décide d’aller à Yerranderie, au cœur des Blue Mountains. Mais la nuit tombe vite et, le ciel couvert n’arrangeant rien, il fait rapidement très sombre. La route bitumée laisse soudain place à un chemin de terre. Pas le choix, il faut continuer. Après quelques centaines de mètres, j’aperçois le panneau « Nattai National Park ». Le paysage est à couper le souffle. Des collines recouvertes d’eucalyptus à travers lesquelles serpente la rivière Wollondilly. Le tout enveloppé d’une brume bleue inquiétante. Je me gare sur le côté, casse la croûte et passe la nuit.

Le lendemain matin, il pleut. Je me rends compte que je n’ai rien prévu pour les jours de pluie. Je peux bouquiner un peu, regarder les cartes. Je peux aussi faire de la route.
Après un bref petit-déjeuner, je continue ma route. Je suis sur la Wonbeyan Caves Road et le paysage est fantastique. Des groupes de Red-browed Finch s’envolent à mon approche. Le chemin est très irrégulier et je le devine parfois au loin, serpentant dans la vallée de la Wollondilly.

Sur le chemin, beaucoup de Kangouroux Gris et de Wallabies à cou roux. Ils traversent sans regarder et il y en a environ un gisant sur le bord de la route tous les 100 mètres. Dans la vallée, je vois mon premier Wedge-tailed Eagle, c’est l’aigle royal du coin. Un 2nd year, très contrasté et magnifique d’environ 2,30 mètres d’envergure. Première observation d’un Nankeen Kestrel, perché sur l’arbre mort à gauche sur la photo ci-dessus.

Je quitte les Wonbeyan Caves, passage éclair, et me dirige vers Oberon, puis, à mi-chemin, je prendrai la Mt Werong Road. Sur les routes de campagne, il y a quantité de troupeaux de moutons, un Wedge)tailed Eagle les survole tranquillement, tandis qu’un Nankeen Kestrel est à l’affût sur un fil électrique. À environ 40 km d’Oberon, je tourne à droite vers Yerranderie. Au bout d’une dizaine de kilomètres, la route « civilisée » laisse place à un chemin de terre. Un panneau signale que l’on entre dans le Blue Mountains National Park, qu’il est préférable d’avoir un 4X4 mais que les voitures peuvent accéder par temps sec et enfin que Yerranderie est à encore 60 km d’ici.
C’est là que tout se joue. Il est 15H, le soleil se couche vers 17H, ce qui me laisse deux heures pour parcourir 60 km de piste, ça peut le faire. De plus, le temps est clément, beau soleil et quelques nuages bas. C’est parti.
Je croise des Rangers qui me signalent des travaux d’aplanissement à quelques kilomètres, ils me confirment que l’accès à Yerranderie est possible avec ma voiture, tout baigne. La piste traverse les collines du sud des Blue Mountains, je roule au milieu des eucalyptus. Je croise des termitières géantes (aussi grandes que moi), des Black Wallabies, des Red-necked Wallabies et quelques Grey ‘rous comme on dit ici. Sur un col, deux Wedge-tailed Eagles me passent au-dessus de la tête. Juste le temps de faire une photo souvenir.

Tout se passe tranquillement, pour l’instant je gère, j’ai déjà fait pire en Touraine. La Touraine dont les chemins sont parfois semés d’embûches, ce n’est pas Julien Présent qui me contredira.

Ça se complique quand même petit à petit, des ornières des lits de rivière à traverser, à cela s’ajoutent des panneaux du genre « Wild Dogs Attacking People », alors j’hésite à deux fois avant de descendre vérifier la profondeur de la flaque de boue …
Concernant les chiens sauvages, j’apprends ensuite qu’il s’agit de chiens domestiques souvent gardiens de troupeaux de moutons, qui ont été abandonnés et qui, livrés à eux mêmes, s’en prennent aux gens et aux stocks de bouffe. Les dingos sont trop discrets et n’approchent pratiquement jamais l’Homme. Mais le panneau mis en place est réellement utile, ce n’est pas du bluff.

Encore quelques kilomètres et me voilà à Yerranderie. Pour ceux qui se demandent ce qu’il y a à faire à Yerranderie, je répondrai « Absolument rien ! ». Et pour ceux qui me répondront « Mais qu’est-ce que t’es allé faire à Yerranderie !? », je répondrai « J’en sais rien, ça paraissait pas mal pour se balader dans la montagne. »

Il fait presque nuit, je ne vois personne. Des kangourous broutent au milieu de maisons vides. Des maisons qui n’ont pas bougé depuis 200 ans. J‘entends une radio, un peu plus bas. Cela doit être le gardien du camping ou autre responsable des lieux. Je traverse le terrain de camping, faisant fuir les paisibles kangourous et me dirige vers la source du bruit. Deux pick-up tout terrain sont garés là, devant une bicoque de bois et de tôle. L’autoradio à fond diffuse ce que je prends pour un match de foot ou un autre événement sportif. Sous le porche de la maison se tient une silhouette, trapue, les cheveux mi-longs, noirs et bouclés. Celui que je prends tout d’abord pour une femme est en fait le gardien de la ville. La quarantaine, le visage buriné et marqué de crevasses, le tain mâte. Sur le coup, il me fait presque peur. Je lui dit que je veux passer la nuit ici et repartir demain, dans la soirée. Il m’indique un endroit pour garer la voiture. Il sent très fort le tabac froid et le café. Je n’y fais pas attention tout de suite, mais il n’a pas l’accent australien. Il me fait faire le tour du propriétaire, m’indiquant où se trouvent les toilettes et les douches. Deux heures et une bonne douche chaude plus tard, je suis donc là, dans ma voiture en train de me dire que la plupart des films d’horreur commencent comme ça, je me demande même si je vais passer la nuit.

À quelques dizaines de mètres, j’entends toujours l’autoradio ainsi que le groupe électrogène de la maison du gardien.

Une goutte, puis deux, puis c’est un véritable déluge qui s’abat sur la montagne. Des rafales de vent font tomber quelques petites branches sur le toit de la voiture et de grosses gouttes tombent des arbres, éclatant et résonnant sur la tôle de la Holden. C’est à ce moment que je me fais cette remarque : « Tiens, c’était pas précisé que le chemin n’était praticable que par temps sec ? ». Effectivement, ducon.

Le lendemain, il pleut toujours. Je regarde désespérément le ciel gris, assis dans la voiture et je commence à écrire quelques lignes. Le gardien s’approche de moi, avec sa démarche d’ours bossu, un parapluie à la main. Il me dit qu’il va sûrement pleuvoir encore quelques jours et qu’il ne serait pas prudent de prendre la route. Tu m’étonnes ! Il me montre une chambre dans laquelle je peux m’installer, ça sera toujours plus confortable que la voiture. Au fait, il s’appelle Scott.

Les jours se suivent et se ressemblent. Entre les averses, j’arrive à organiser quelques randonnées rapides dans les collines alentour. Le soir, je discute avec Scott, en buvant le thé sous le porche de sa bicoque. Son père, Bill, habite tout près, dans une maison qu’il a construite lui-même. Un après-midi Scott et moi allons boire un café chez Bill. Ils sont venus d’Ecosse dans les années 70. Bill a travaillé à Yerranderie comme gardien. Scott, lui, a été routier, réparateur de distributeurs automatiques et autres petits boulots. Il travaille à Yerranderie quelques mois par an, se relayant avec d’autres gardiens. On discute longuement, parlant de la nature, qu’il adore et des kangourous du coin, qu’il nourrit de temps en temps et auxquels il a donné des surnoms.

Yerranderie est une ancienne ville minière. Les vieilles mines d’argent qui bordent la ville sont le principal attrait trouristique. Rien n’a bougé depuis des décennies. L’argent apporté par le tourisme sert à maintenir la ville en état, quand je dis ville, il ne reste que 5 ou 6 maisons. Et Quand je dis en état, c’est bien sûr en état d’origine. Seules deux maisons sont chauffées au bois, celle de Scott et la maison de l’ancienne propriétaire Valérie Lhuedé. L’électricité est produite grâce à des panneaux solaires, l’eau de pluie est stockée pour les douches et la vaisselle. Une petite quantité est traitée pour être potable. L’eau des douches est chauffée au gaz, les frigos de Scott et de son père fonctionnent aussi au gaz. Pas d’isolation, les chambres sont froides et humides. On s’y fait bien.

Nous sommes déjà vendredi, il pleut toujours. Depuis mon arrivée, mardi soir, mes réserves de nourriture ont pas mal diminué. Je pense pouvoir tenir jusqu’à lundi avant de demander à Scott de me donner un peu de nourriture.
Cette pluie qui me bloque ici est une très bonne chose pour la région qui souffre de sécheresse. Des incendies de contrôle sont programmés régulièrement à titre préventif et l’utilisation de l’eau dans la région de Sydney est très réglementée. Interdit de laver sa voiture ou d’arroser son jardin à outrance. Donc voilà, relativisons. Je préfère être coincé ici à cause de la pluie plutôt que par un feu de bush.

Question photos, ça ne déchire pas vraiment. Je suis sûr que l’endroit est charmant par temps ensoleillé. Hier je suis monté au sommet du Peak. De ce point de vue, on domine tout le parc des Blue Mountains. J’ai même aperçu le lac Burragorang, entre les nuages. De toute façon, s’il s’arrête de pleuvoir un jour, il faudra encore attendre au moins une journée pour que la route ne sèche et ne redevienne praticable. J’aurai alors tout le temps de remonter là-haut faire des photos.


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