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Sylvain Chauveau, deuxième

Publié le 24 mai 2009 par Irigoyen
Sylvain Chauveau, deuxième

Sylvain Chauveau, deuxième

Inutile de tourner autour du pot : je n’ai jamais été un fervent admirateur de Depeche Mode. Le groupe britannique me laisse globalement froid, l’utilisation systématique de synthétiseurs me donnant trop souvent l’impression qu’elle dissimule une musique bien pauvre. J’apprécie bien sûr quelques morceaux mais cela ne suffit pas à faire de moi un amoureux transi.

Autant dire que la sortie de ce CD ne m’a pas d’emblée provoqué une excitation particulière chez moi. Je me suis donc préparé à l’écoute de cet opus « chauveauien » avec un brin de déception, heureusement très vite balayée. Au bout de quelques mesures, en effet, je ne me souvenais même plus ce qui m’avait conduit à cette sombre pensée.

Aux sons du piano, du violon, de la clarinette et de la guitare, Sylvain Chauveau nous convie à un voyage dans la part d’ombre du groupe britannique. Attention : n’allez pas croire qu’il s’agit-là d’un album exclusivement musical. Car l’artiste s’avère être, en plus d’être un merveilleux auteur-compositeur, un très bon chanteur. Belle diction de la langue de Shakespeare – les abonnés au micro qui estropient l’anglais sont légion, on devrait leur conseiller d’avoir recours à leur propre idiome -, et tonalité qui rappelle parfois celle de Dave Gahan sans toutefois chercher à l’imiter.

Sylvain Chauveau serait comme un guide au musée du Louvre qui vous emmènerait devant le tableau de la Joconde et réussirait à vous faire voir ce qui vous était jusqu’alors invisible. L’auditeur se laisse bercer par des étonnantes reprises de « Policy of truth », « In your room » ou encore « Never let me down again ». J’avoue mon admiration pour la version de « Things you said », étonnant mélange de légèreté et de noirceur, d’inquiétude et d’apaisement.

L’écoute de ce CD me conforte dans l’idée que Sylvain Chauveau est un de ces rares musiciens qui parvient à éradiquer le superflu d’une pièce tout en ne la dénaturant pas puisqu’il n’endommage pas son noyau mélodique. Une fois ce travail achevé, il apporte une texture très novatrice qui oblige l’auditeur à changer sa perception de l’œuvre originale. Un vrai tour de force, je pense.

Et puis il y a le silence chez Sylvain Chauveau. Ce silence entre mais aussi à l’intérieur des morceaux. Je pense que c’est aussi à cela qu’on remarque toute la finesse et tout le respect du musicien pour son auditoire. C’est comme s’il nous permettait de digérer son œuvre, de la comprendre. Comme s’il lui importait que nous nous fabriquions une pensée comme a dit un jour Jean-Luc Godard.

En rendant possible ce temps, cet espace nécessaire, il me semble que Sylvain Chauveau nous offre le plus beau cadeau qui soit dans cette société faite de vitesse, de bruit, de vulgarité. Grâce à cette délicate attention, nous cessons d’être des individus qui courent et brassent de l’air pour redevenir des observateurs patients du monde qui les entoure. Des êtres humains. Pas des consommateurs.

Nuance.


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