En 1971, à la Tate, à Londres, le sculpteur minimaliste américain Robert Morris, invité à présenter une rétrospective de son travail, choisit de monter des sculptures éphémères, destinées à être détruites à la fin de l’exposition. De plus, il conçut son exposition pour que les spectateurs puissent y participer physiquement, entrer dans les installations, grimper, se balancer, mettre leur corps en jeu, sinon en danger. Ce fut sans doute la première fois qu’une exposition engagea de cette manière les spectateurs à devenir, sinon acteurs, en tout cas participants. Ils étaient invités à prendre conscience de leur corps, de leur poids, de leurs efforts, comme jamais on ne l’avait fait jusque là dans un musée. L’exposition se nommait Bodyspacemotinthings (Corps-espace-mouvement-choses).
L’enthousiasme fut tel que l’exposition dût fermer
au bout de quatre jours : chutes des spectateurs, blessures et bris de certains éléments, dus, non au vandalisme, mais à l’enthousiasme excessif des spectateurs. Comme tout était en bois, que le bois n’était pas poli et que c’était l’époque glorieuse des mini-jupes, l’infirmière de la Tate dût enlever pas mal d’échardes dans pas mal de postérieurs britanniques rebondis.Il n’en reste que quelques photographies, qu’un bout de film où une jeune femme nue expérimente les différents dispositifs la veille de l’ouverture et qu’un mythe bien ancré.
38 ans plus tard, l’exposition a été recréée pour quatre jours dans le Turbine Hall de la Tate Modern. Mais aujourd’hui, on a oublié le caratère précurseur de cette exposition. On respecte les normes de sécurité, il y a des gardiens / moniteurs partout, le bois est bien poli, personne n’est en minijupe et ça sent comme chez Ikea : tout est bien aseptisé. Des photos de l’exposition de 1971 sont punaisées aux murs. On doit se contenter de rêver, au milieu des enfants qui s’en donnent à coeur-joie.Photos 3, 4 et 5 de l’auteur. Robert Morris étant représenté par l’ADAGP, les photos seront enlevées du blog au bout d’un mois; beaucoup restent visibles sur le site du Guardian.
La parution de billets sur ce blog a souffert ces dernières semaines d’une charge de travail inhabituelle sur un autre front. Tout devrait revenir dans l’ordre dans les jours qui viennent. Merci de votre fidélité et de votre patience.