"Le parapluie de madame Hô"

Voici un livre appartenant à mes enfants que j'aime particulièrement, tant pour son graphisme que pour son texte. Il s'agit d'un conte japonais, réécrit par Agnès de Lestrade et illustré par Martine Perrin.
Les images frappent par leur simplicité. La palette est restreinte : du noir, du blanc, du rouge et du vert, quelques touches de jaune. De Mme Hô, nous ne verrons que la main, qui tient le parapluie, le haut de la manche, le chignon... Le dessin, très épuré, s'accompagne d'une mise en page sophistiquée, avec des découpes, des transparents. Le texte lui-même est mis en valeur sous forme de calligrammes.
L'histoire est, en apparence, anodine. Mme Hô, une dame âgée, se sent bien seule depuis son veuvage. Son parapluie vert est son seul soutien, son bâton de vieillesse, son confident. Un jour, elle sort acheter son thé. Son parapluie lui est arraché par le vent, et s'envole par-delà les toits et les murs. S'élançant à sa poursuite sous une pluie battante, Mme Hô court de rue en rue, et l'aperçoit alors qu'il tombe dans un jardin. Elle frappe à une première porte : une jeune fille lui ouvre, et referme aussitôt : elle n'a pas de jardin. Dans la maison suivante, un vieil homme l'accueille chaleureusement : il l'attendait. Ce vieux monsieur lui rappelle quelqu'un... Elle  remarque la photo d'une jeune femme, dont le visage lui est étrangement familier. Dans le jardin, elle retrouve deux parapluies verts, tendrement entrelacés, qui ne tardent pas à s'élever vers le ciel... Elle comprend alors (sans le formuler) qu'elle vient de retrouver son mari, et que tous deux sont maintenant unis dans l'au-delà.
Ce conte évoque donc des thèmes douloureux : la perte d'un être aimé, la nécessité du deuil, la solitude, et l'acceptation de la mort. Mais, de même que le dessin n'en dévoile pas plus que le nécessaire, le texte procède toujours subtilement, par suggestion et métaphore.