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comment ça a commencé à déconner ?

Publié le 26 mai 2009 par Aymeric

Ocean hill Je ne cherche pas particulièrement à émouvoir mais sachez que bénéficier de réductions en tous genres se paye.
Depuis que prendre le train me coute 30% moins cher que la plupart d’entre vous et bien je suis condamné, comme en contrepartie, à ne pouvoir suivre les émissions de radio que partiellement, en permanence contraint à coudre grossièrement des bribes.
Tenez, dimanche dernier j’impose en maître du foyer mon Meyer dominical et pas moyen de suivre.
Insensibles à l’autorité du père, mes rejetons ont multiplié les plus bruyantes manifestations d’enthousiasme juvénile.
Là où c’est devenu vraiment frustrant c’est que j’ai eu le temps de reconnaitre dans le tohu-bohu la voix d’un Jean-Louis Bourlanges qui s’était fait bien trop rare ces derniers mois et qui m’a d’autant plus manqué que c’est le triste Pastré qui a le plus souvent squatté la place inoccupée.

Heureusement le progrès, qui parfois mérite son cierge, rend possible de réécouter tout cela plus au calme lorsque les enfants – merci Madame Carpantier – sont retenus ailleurs.

Ainsi je m’aperçus aujourd’hui que Jean-Louis avait décidé de fêter nos retrouvailles d’une drôle de manière, m’obligeant pour une fois à être en désaccord avec lui.

En effet (ha ha) à la 19e minute de l’émission, il a dit : « Il y a traditionnellement une certaine animosité entre la communauté noire et la communauté juive américaine »

Mon cher Jean-Louis, c’est peut-être vrai maintenant mais ça n’a rien de traditionnel.
C’est même curieux qu’un érudit tel que toi, fin connaisseur des cultures étrangère et tout et tout n’ait pas pensé au NNACP (National Association for the Advancement of Colored People), fondé par des avocats juifs et noirs.
Sans même remonter aussi loin, comment as-tu pu oublier les mouvements des droits civiques des années 50 et 60 avec la fameuse affaire du Freedom Summer et l’assassinat de trois activistes : deux juifs et un noir dont Alan Parker avait tiré un si mauvais film.

Alors, pour que cette belle entente s’effiloche en quarante ans, pour qu’on en arrive maintenant à penser l’animosité actuelle comme traditionnelle qu’est ce qui a bien pu se passer ? Oui, comment ça a commencé à déconner ?

Dans son livre Can’t stop won’t stop (sur la culture Hip-Hop, mais que ça ne vous empêche pas de lire ce qui va suivre), Jeff Chang prétend carrément dater le moment de bascule.
Selon-lui tout a changé lors d’événements qui se sont déroulés à New-York dans le quartier d’Ocean Hill/Brownsville, une zone sinistrée et composée à 95% d’afro américains et de portoricains.
En 1967, sous le mot d’ordre de « contrôle par la communauté », l’administration scolaire nouvellement élue et composée principalement d’activistes noirs nomma un nouveau directeur et cinq nouveaux proviseurs, tous noirs.
De son côté, la fédération unitaire des professeurs (UFT), un syndicat d’enseignants progressistes principalement juifs, commença l’année scolaire par une grève, suite à la brutalité de changements non motivés par des critères professionnels. L’administration entreprit alors de remplacer les professeurs syndiqués par des professeurs de couleur appartenant à la communauté. Et voilà qu’arrivent les conditions pour un affrontement dont les plus gros dégâts seront les collatéraux
Après deux ans de conflits permanents, les professeurs syndiqués l’emportèrent, reprirent leurs postes, l’administration fut dissoute et le directeur noir placé sous la tutelle d’un administrateur de l’état. Les vainqueurs n’avaient certes pas fait campagne au nom d’une quelconque communauté juive, mais c’est bien comme ça qu’ils furent perçus par les activistes du « contrôle par la communauté » qui ne leur pardonnèrent jamais et les rangèrent globalement parmi les ennemis de la communauté.

Évidemment, vous êtes sceptiques et moi aussi. Considérer que c’est de cette quasi anecdote que découle l’antisémitisme maladif d’un Farrakhan ou d’un Professor Griff, parait un peu excessif.
Et c’est oublier le rôle de l’arrivée de l’Islam dans le militantisme noir, la radialisation des Blacks Panthers dont la dérive, haineuse et raciste, a été très tôt perçue par Romain – gloire à lui – Gary. Mais à ces causes, on peut toujours trouver d’autres causes.

Tandis que l’affaire d’Ocean Hill/Brownsville illustre bien ce moment où les alliés d’hier se retrouvent opposés d’intérêts quant il faut à la fois partager le butin et décider des actions à venir.


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