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62ème Festival de Cannes : Bilan

Publié le 27 mai 2009 par Boustoune

Le palmarès, qui voit se côtoyer des oeuvres radicalement différentes, à l'instar de ce prix du jury partagé entre le déjanté Thirst et le plus réaliste Fish Tank, donne une idée assez précise de ce qu'a pu être le festival.
Ce n'est pas le cru exceptionnel que laissait présager la présence de tous ces grands noms du cinéma, mais une année tout à fait honorable, où des oeuvres de qualité ont été projetées.

Du classique (chez Almodovar, Campion, Loach,...). Du plus surprenant (Noé, Von Trier, Tarantino,...). Plus un petit bijou qui parvient à trouver l'équilibre entre les deux. J'ai en effet eu un gros coup de coeur pour le très beau film d'Elia Suleiman, Le temps qu'il reste. Un chef d'oeuvre qui, hélas, n'a pas trouvé grâce auprès de l'éclectique jury présidé par Isabelle Huppert

L'équilibre a également été trouvé entre films d'art et d'essais purs et durs (dont la palme d'or, Le ruban blanc ou le Kinatay de Brillante Mendoza) et incursions dans le cinéma de genre (avec de folles séances de minuit - Jusqu'en enfer, le film d'horreur de Sam Raimi, ou Panique au village par le duo belge Patar et Aubier – mais aussi un film d'animation 3D en ouverture et de la comédie en compétition officielle).

Avant que le festival ne commence, certains s'étaient inquiété de la présence d'autant de signatures reconnues, qui risquait de nuire à l'innovation et l'originalité des films. Les doutes ont été balayés dès les premières projections, notamment dans les sections parallèles.

Un Certain Regard a proposé un panel d'oeuvres très différentes, représentatives de la vitalité de cinématographies peu diffusées en France (cinéma thaïlandais, colombien, grec, iranien,...).

La Quinzaine des réalisateurs, dirigée pour la dernière fois par Olivier Père, qui part s'occuper du festival de Locarno, a proposé des oeuvres atypiques et audacieuses, à l'image du film d'Alain Guiraudie, Le roi de l'évasion

La semaine de la critique, enfin, maintient le cap d'un cinéma assez radical, avec des oeuvres assez lentes et austères, et toujours une programmation de courts-métrages de qualité.

Niveau thématique, plusieurs tendances se dégagent.

Déjà, on notera la propension des grands cinéastes à s'interroger sur leurs oeuvres et à rendre hommage au cinéma qui les inspire. Tarantino a toujours fait des clins d'oeil à ses oeuvres de chevet, mais il va encore plus loin dans Inglourious basterds, qui, à défaut d'être une leçon d'histoire – il prend certaines libertés avec la réalité – est une vraie leçon de cinéma, doublée d'une réflexion sur la fonction de l'art et du divertissement face à la barbarie du monde.

Almodovar revisite son oeuvre et joue à s'autoparodier sans perdre son style inimitable.

Lars Von Trier, lui, se lance dans une version anarchiste et blasphématoire du Sacrifice de Tarkovsky pendant que Tsai Ming-Liang rend hommage à Truffaut...  

Autre thème majeur cette année, l'obsession de la réussite individuelle et la force du collectif pour asseoir ce développement.

Le jeune héros de Un prophète rentre en prison sans éducation, sans famille ni amis, avec juste cinquante francs en poche et va se servir de sa détention pour s'ouvrir de nouveaux horizons. Celui de a l'origine en sort et va donner un nouveau sens à sa vie en se lançant dans un projet complètement fou, faisant intervenir malgré lui tous les habitants d'une région où l'emploi est sinistré...

Le héros du film de Ken Loach va lui aussi réussir à s'en sortir grâce à la force du collectif. Une leçon donnée par un joueur de football mythique (Cantona), va lui rappeler que son sport préféré est avant tout un jeu d'équipe...

Autre parcelle de gazon, un peu plus grande, le terrain qui a accueilli le festival de musique rock et folk de Woodstock et qui a attiré près d'un million de personnes. Il fallait bien ça pour forcer le jeune organisateur de l'évènement à s'affranchir de la tutelle parentale et partir voler de ses propres ailes (Taking Woodstock)...

On trouve aussi les habituelles variations sur les relations familiales. De belles histoires avec l'hommage bouleversant rendu par Elia Suleiman à ses parents dans Le temps qu'il reste, Suleiman ou la brève relation entre une quincagénaire et une gamine abandonnée (La pivellina)

D'autres plus tumultueuses, comme celle du narrateur de La merditude des choses, coincé dans une famille de doux dingues, ou la relation complexe – et drôle - entre Xavier Dolan et sa génitrice (J'ai tué ma mère).

Et pour Michael Haneke, qui n'est pas spécialement le plus joyeux des cinéastes, la famille, c'est l'enfer. C'est du moins l'idée qu'il donne des familles allemandes ou autrichiennes du début du XXème siècle. Communautés étouffées par un rigorisme moral contraignant et des conventions sociales absurdes.

Le summum, c'est quand même la famille totalement cinglée de Canine, où les enfants sont éduqués tels des chiens et où l'inceste est une chose tout à fait normale...

Les tabous ont d'ailleurs été quelque peu secoués cette année.

Il était donc question d'inceste (Enter the void, Canine), de détournement de mineur (Le roi de l'évasion), d'homosexualité (I love you Philipp Morris, Eyes wide open, Nuits d'ivresse printanère, Le roi de l'évasion,...),
Sinon, le festival, fidèle à sa vocation de fenêtre ouverte sur le monde, a permis à des cinéastes d'alerter l'opinion sur les difficultés et les souffrances de leurs peuples, ou de dénoncer censure et oppression des masses.
Kinatay dénonce corruption et violences policières, Amerrika parle de la xénophobie à laquelle est confrontée une famille de réfugiés palestiniens dans unepetite ville américaine, Samson & Delilah aborde la difficile condition des peuples aborigènes en Australie... 

Certaines oeuvres ont même été tournées de façon clandestine, pour échapper aux foudres de régimes répressifs. C'est le cas de Nuits d'ivresse printanière ou de Les Chats persans

Tous ces films sont autant de signes indiquant la relative bonne santé du cinéma mondiale, malgré la crise, malgré une histoire déjà jalonnée de chefs d'oeuvres impérissables...

Il y a toujours des auteurs inspirés et inventifs, et ils ont toujours des choses à raconter.

Tant mieux pour les cinéphiles...


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