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Philippe Herreweghe et le mystère brucknérien

Publié le 28 mai 2009 par Philippe Delaide

Décidément, Philippe Herreweghe continue à nous fasciner par son intelligence musicale hors du commun. Après le superbe enregistrement des Cantiones Sacrae sex vocum de Roland de Lassus avec le Collegium vocale de Gent (cf. note du 12 mars 2009), il nous offre une version de la 5ème symphonie en si bémol majeur d'Anton Bruckner avec l'Orchestre des Champs-Elysées, d'une plénitude rare. Cette facilité de passage à deux univers musicaux aussi radicalement différents est vraiment fascinante.

On pourra alors opposer cette lecture, typique de l'identité sonore du travail orchestral du chef belge, aérienne, lumineuse et aux sonorités chatoyantes, à la sublime version d'une densité incroyable et d'une noirceur terrifiante que Nikolaus Harnoncourt avait enregistrée et le Philharmonique de Vienne (cf. note du 26 décembre 2006).

Dans les premiers enregistrements Brucknériens de Philippe Herreweghe (comme 4ème ou la 7ème symphonie), le seul petite reproche que l'on pouvait faire jusqu'alors était que cette chaleur des timbres, la ductilité qu'apportent les instruments anciens sur ce registre pouvaient pêcher par manque à la fois d'ampleur et de mordant dans les attaques.

Toute la complexité est bien là dans les symphonies de Bruckner. La nécessaire ampleur orchestrale qui doit servir le caractère massif, imposant de ces œuvres mais qui doit être conjuguée tout de même avec une dynamique, une clarté des plans sonores indispensables pour servir au mieux les changements brusques et incessants de climats est le marquage net, tendu des ostinatos très caractéristiques de l'écriture brucknerienne.

Herreweghe Bruckner Symph N.5
Par rapport justement à la 4ème ou la 7ème symphonie de Bruckner avec le même orchestre, Philippe Herreweghe aborde cette fois les attaques avec une belle férocité, établit une tension de la ligne tenue de bout en bout. Car il est bien question ici de tension permanente, d'opposition incessante de climats, de tiraillements, de l'Adagio d'introduction au Finale.

Anton Bruckner était fasciné par le Requiem de Mozart. La direction finalement très XVIIIème siècle de Philippe Herreweghe (formation orchestrale plus réduite, instruments anciens) met en évidence de façon flagrante la parenté de l'un des thèmes principaux de la 5ème symphonie de Bruckner (dévoilé au milieu du premier mouvement et repris dès l'ouverture du Finale) avec le non moins saisissant Introitus du Requiem de Mozart.

Philippe Herreweghe réussit ici une splendide version une haute tenue des différents instrumentistes (les quatre cors, cruciaux comme toujours chez Bruckner, Marcel Ponseele, hautboïste, fidèle des fidèles de Philippe Herreweghe, comme toujours sublime, surtout sur l'introduction de l'Adagio).

Ce souci de transparence, de clarté, nous permet enfin de découvrir un Bruckner bien moins rustre et sévère. Ce chef d'œuvre imposant semble gagner en proximité et nous révélant une autre part de ses mystères. On y retrouve bien entendu les ressorts mystiques, presque panthéistes de cette composition mais de façon beaucoup moins écrasante, démonstrative et intimidante que dans les versions germaniques.

Un autre coup de cœur de cette année 2009.

Lien direct vers le site Harmonia Mundi pour plus de détails.

Bruckner - 5ème symphonie en si bémol majeur - Orchestre des Champs-Elysées - direction Philippe Herreweghe - label Harmonia Mundi.


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