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Sylvain Chauveau, cinquième

Publié le 29 mai 2009 par Irigoyen
Sylvain Chauveau, cinquième

Sylvain Chauveau, cinquième

Il s'agit d'une musique composée pour deux films de Sébastien Betbeder. Le premier, Nuage, est un long-métrage. Le second, Les mains d'Andrea, est un court-métrage. J'ai été d'emblée fasciné par la pochette du disque. Je trouve intéressant de s'y attarder tant elle me semble mélanger les univers suggérés par les titres. On distingue ici dans un brouillard bleuté les contours d'un être – Andrea ? - dont la main gauche est paume en avant, comme si ce congénère cherchait son chemin, à moins qu'il ne nous le barre. Son autre main est difficilement visible dans cet univers opaque mais on peut raisonnablement penser qu'elle pend, du moins qu'elle n'est pas forcément en mouvement. Qu'arrive-t-il donc à ce semblable ? Est-il perdu dans ses rêveries – un être « dans les nuages » ? –, ou bien sent-il l'imminence d'un danger, d'une menace – voit-il des « nuages noirs » à l'horizon - ? N'ayant vu aucune des deux productions de Sébastien Betbeder, je ne me hasarderai pas à valider une de ces deux options. Il n'est peut-être pas nécessaire, d'ailleurs, de trancher, tant la multiplicité des interprétations est certainement plus stimulante pour le compositeur, le réalisateur et tous ceux qui ont été associés à ce projet.

Si le mot « nuage » trouve sa place dans plusieurs expressions de la langue française, on retrouve ici plusieurs variations mélodiques autour de cette forme: « L'approche du nuage », « Nuage II », « Nuage III ». Ces morceaux ne se suivent pas. Comme s'il était donné à l'auditeur la possibilité de se laisser emporter par autre chose, entre-temps. La première variation me fait penser à un univers un peu chaotique – quelques notes éparses - qui prendrait soudain une autre envergure, plus magistrale – j'en ai déjà parlé précédemment -.

Cet opus s'ouvre sur « Pauvre Simon ». N'ayant vu qu'une seule fois Sylvain Chauveau, pour l'interview - qui sera bientôt en ligne, soyez-en sûrs -, il m'est difficile de vérifier. Mais il me semble qu'il a beaucoup d'empathie a priori pour les gens. Ce n'est pas seulement le titre de cette première plage qui me le laisse penser. Non, ce compositeur me donne musicalement l'impression de vouloir apporter beaucoup de douceur à ses semblables. Avec, en plus, ce souci de ne pas déranger, de ne pas se faire remarquer, de s'effacer le plus possible. Sylvain Chauveau excelle pour moi dans la discrétion musicale. Il s'efface comme s'il signifiait que le plus important ce n'est pas lui, c'est l'autre. L'autre et ses tourments, l'autre et ses « Troubles », morceau très dépouillé qui ouvre sur une première variation de « Marianne ». Le voyage dans la vie intérieure continue avec « Symptôme N°2 » dont l'auditeur pourra remarquer qu'il intervient avant « Symptôme N°1 », comme si, là aussi, il fallait du temps pour prendre conscience des choses et pouvoir les intégrer, les verbaliser, les mettre en musique. Tout est très passager, fugace. On tend un style totalement épuré qui atteint son paroxysme, selon moi, dans la deuxième « partie » du CD, j'entends par là les morceaux des Mains d'Andrea.

Bref, beaucoup d'émotion, à nouveau, avec ce disque. Certains d'entre vous qui lisez ces chroniques pourraient penser que j'assimile la musique de Sylvain Chauveau à un univers triste, dépressif. Il n'en est rien. Car, comme je l'ai dit plus haut, ce monde-là me transporte. Comme quoi, il n'est pas nécessaire de vouloir à tout prix jouer les stakhanovistes des notes: en rajouter, en rajouter encore, jusqu'à plus soif. Ce n'est pas, non plus, en mettant en avant son ego qu'un musicien, un compositeur va convaincre de la beauté ou de la pertinence de son œuvre. La surprise passe en effet parfois par la démarche inverse. Ce disque en est une nouvelle preuve.

Il me semble également que non seulement Sylvain Chauveau s'adresse au coeur mais aussi au cerveau tant il est vrai que ces albums questionnent sans avoir l'air de rien une certaine productivité sans fin. Je trouve ici un semblable qui n'est pas dupe. Qui a pris conscience et souligne que nous sommes prisonniers du temps mais qui insiste aussi sur la nécessité d'être le plus possible maître de ses choix.

Un individu décidément à part.


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