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L'écrivain Colum McCann à Lyon

Publié le 30 mai 2009 par Mgallot

Assises internationales du roman, 3ème!

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Cette année, entre autres réjouissances, la manifestation a eu la brillante idée de proposer à trois romanciers étrangers de choisir un auteur français pour l'évoquer devant le public.

Colum McCann, Américain d'adoption, Irlandais de naissance et de culture, a eu le cran de se coltiner, ni plus ni moins à Zola.

Je n'ai jamais lu Colum McCann, mais entendre un romancier anglo-saxon parler de Zola, voilà qui a titillé ma curiosité. D'autant plus que le programme citait ce teasing alléchant, signé Colum himself:

"Une des leçons essentielles de l’oeuvre de Zola – la rage qu’il coucha sur le papier – est un facteur souvent ignoré par les romanciers d’aujourd’hui. Il semblerait que nous vivions dans un monde plus fade que celui de Zola, que nous ayons renoncé à croire au pouvoir social de notre travail. Notre vie littéraire est plus bienséante et en tout cas moins prompte à pencher vers la conscience sociale que celle que connut Zola (…). Tant d’écrivains d’aujourd’hui sont silencieux dans un monde où ils vivent discrètement, comme s’il n’était pas le nôtre, comme si nous n’étions là qu’en visite, alors que Zola et les auteurs de sa génération foncent tête baissée dans la vie, la consomment, la critiquent, l’affrontent brutalement."

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Monsieur McCann a paru presque étonné de la foule présente dans la cour des Subsistances pour écouter sa conférence. Il a parcouru les gradins de bas en haut avec un regard admiratif. Au bout de presque 1h3/4, il lèvera la tête vers le public : "vous êtes d'une patience extraordinaire!"

C'est que, Monsieur McCann, on ne s'est pas ennuyé une seconde avec vous. Certes, on a tous compris que Zola n'était finalement qu'un prétexte pour dire la nécessité de l'engagement pour les romanciers contemporains - ou plutôt du réengagement. Mais peu importe, finalement. Colum l'a dit dès l'entrée: "je ne suis pas un spécialiste de Zola".

Un idéaliste, en revanche, si:

"Le roman social est à tel point dévalué dans le discours contemporain qu'il n'est pas mauvais, parfois, de risquer le ridicule.(...) Il ne s'agit pas de prétendre que le roman social va radicalement changer les choses, qu'elles seront donc autres à jamais. Il est probablement naïf, dans notre société contemporaine, de croire qu'un roman attirera un tant soit peu l'attention de hauts fonctionnaires ou de cadres d'entreprises. L'administration Bush ne s'intéressait même pas assez aux livres pour vouloir les brûler. Il n'en reste pas moins que les écrivains doivent être poussés par une impérieuse nécessité intérieure. Nous distraire ne suffit pas. Nous devons croire à un changement possible. Nous devons nous engager, ne serait-ce que pour survivre un peu plus longtemps".

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Zola, une sorte de modèle? Sans doute. "Le cynique dira que Zola, et d'autres de la même eau, ont échoué, qu'ils n'ont su qu'allumer des flammes qui sont retombées et se sont éteintes. Très bien. Le fait est que les flammes doivent être attisées encore et toujours. Qu'il ait échoué, que nous échouions, peu importe. Le vrai courage, c'est d'essayer."

"J'ai écrit ce texte entre Bush et Obama" dira Colum McCann pour se justifier. Mais "je préfère être idéaliste que cynique". Est-ce que, justement, la littérature contemporaine américaine n'est pas plus engagée que la littérature française? lui demande Raphaëlle Rérolle, journaliste au Monde des livres dont je tiens à saluer l'intelligence et l'à-propos pendant cette soirée.

Plein d'indulgence, Colum. Et parfaitement ignorant des tourments littéraires franco-français. Pour lui, les romanciers français ne sont pas responsables des limites qu'ils s'imposent, car leurs ouvrages sont trop peu traduits à l'étranger. Il est presque impossible pour un Américain de se faire une juste idée de la littérature française contemporaine, car aux Etats-Unis, seuls 3% des livres vendus sont traduits d'une langue étrangère (contre environ 30% en France)*. A l'heure de la mondialisation, comment s'engager quand ses ouvrages ne traversent pas les frontières?

"De nos jours, les livres meurent plus vite que les éphémères. A qui la faute? Est-ce parce que nous n'avons plus d'importance? Parce que nous sommes devenus l'équivalent littéraire de la musique en fond sonore dans les ascenseurs? Parce que nous ne savons regarder que notre nombril?"

* "Alors que 10,1% des ouvrages de fiction littéraire traduits dans le monde l'étaient vers le français en 1980, ils étaient 14,7% en 2000. Durant la même période, le nombre de traductions littéraires vers l'anglais a été divisé par deux" (Le Monde des livres, mai 2009)

Les assises internationales du roman: pour ceux qui n'en auraient jamais entendu parler, il s'agit d'une manifestation littéraire atypique, se déroulant à Lyon, et qui confronte des romanciers de toutes nationalités. Une manifestation de haut niveau, mais qui se veut fédératrice, associant étudiants, lycéens, journalistes, lecteurs (entre les traductions simultanées, les lectures de communication en langue étrangère avec traduction écrite, parfois il faut s'accrocher pour tout suivre, mais quelle chance de pouvoir assister à des échanges d'une telle qualité hors Paris!)


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