Villette sonique, vendredi 29 mai 2009.
1.
Bonjour, je m’appelle aymeric, j’ai 34 ans, et, euh… j’ai assisté à un concert de rock progressif…
Je ne sais pas trop ce qui m’a pris.
Je ne cherche pas d’excuse, non.
Le fait que Goblin ne fut pas le seul groupe à l’affiche ne change rien : j’aurais pu, j’aurais dû arriver plus tard.
Les beaux papiers qu’ils avaient inspirés n’étaient que simulacre de beauté, pure falsification bourgeoise.
Avoir habillé Argento n’aurait dû être perçu que comme l’entrisme grossier qu’il était, qu’importe s’il se trouvait des laudateurs dans nos rangs.
D’ailleurs, la lucidité me revint rapidement, implacable.
Passées les premières minutes où, tout à mon hérésie, je guettais quelques belles choses que je crus même – fou que j’étais – déceler par moment, l’évidence, telle un rouleau compresseur, s’imposa me montrant dans une cruelle nudité ces quintaux d’arrangements pompiers, ces épouvantables prétentions symphoniques, ces synthés aux lourdeurs Vangelisiennes ou encore ces soli pleins d’éprouvante emphase Satrianienne.
A cet instant, la honte m’envahit et je me vis à peine plus glorieux que ces fans pantins, répugnants dans leur transe dansée.
J’avais des yeux mais je ne voyais pas, j’avais des oreilles mais je n’entendais pas.
La Grande Séparation était un événement nécessaire et se fourvoie celui qui tente de franchir ces hautes barrières qui ne sont là que pour le bien des peuples.
Ceux à qui j’ai accordé de l’importance n’étaient que de pauvres tigres de papier.
J’ai œuvré contre l’intérêt supérieur des masses, je mérite d’être rééduqué, j’accepte ma sanction.
Vous, chemise d’un blanc transparent, diaphane, sur un débardeur noir.
Moi casquette sur une barbe à lunettes. Envouté.
Vous vous teniez à droite de la scène votre guitare paraissait bien grande dans vos bras menus.
Vos premières notes se firent dans une salle clairsemée ; les débuts furent difficiles, de temps en temps un rire s’entendait.
Mais vous jouâtes résolument.
Vos deux collègues vous pavaient une rythmique large et continue pour vos riffs et boucles qui semblaient revenir des germaines contrées de Neu!
Mais vous n’oubliâtes pas en chemin de grimper quelques sommets acides.
Vous tonitruâtes aussi parfois, en toute désarticulation.
Trop peu de temps s’écoula avant que les lumières ne se fassent sur une salle devenue dense, joyeuse et bruyante. Charmée
Vous revoir.
3.
La basse claque et explose, souffle et m’emporte en arrrière.
Ma carcasse dans les airs qui vole à rebours des ans.
Jet balistique, trajectoire Von Braunienne.
Puis le crachat du corps sur un bitume qui vibre des explosions électriques de l’Année Käpitale : 1980.
De la décomposition du cadavre des seventies s’échappent les radiations fatales qui vont contaminer la cité entière.
Et c’est ainsi que vient le règne du fünkmütant, növögenre qui impose ses saccades reptiliennes à une NY extatique sous les coups de cuir et de rasoir.
Pour passer le soir, j’avais fait glisser mes semelles jusqu’au 77 White Street, dans un Mudd Club en fusion.
Une mécanique qui broie des rythmes hispaniques charme des filles-serpents ondulant comme du plastique qui fond et dégouline.
Liquid-Liquid a pris le pouvoir et nous impose de nouvelles marches à nous, l’armée flambant neuve, foule esclave et enthousiaste qui frappe le sol et frappe encore.
Déluge de talons, explosion percussive, extase sur nos pâleurs de visages.
J’ai longtemps cru que ces décharges rythmiques tueraient sans pitié le temps. Se feraient le métal qui lui transpercerait la nuque, les dents Chroniques se refermant sur une langue d’acier froid.
Mais la dernière note sonne l’heure de l’aspiration retour.
Violent dépôt devant une mer de néons qui nous brûlent la vue tandis que s’éloignent quatre corps secs de quinquagénaires durement sculptés par le footing et la macrobiotique.
Retour à la l’implacable force d’une vie saine que les charmes ont désertée.