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L’Europe doit être prête à la guerre

Publié le 02 juin 2009 par Theatrum Belli @TheatrumBelli

L'Union européenne présente tous les symptômes de la décadence. Ses citoyens sont persuadés que la guerre ne peut arriver qu'aux autres et qu'ils ont à jamais gagné leur place au soleil (à quelques exceptions près, comme dans les Balkans) : ils seraient promis à vivre à jamais dans un monde pacifique. Dangereuse illusion. Car si l'Union s'enorgueillit de ses "valeurs" et de son "pouvoir normatif" qui lui permet de régler pacifiquement ses conflits internes, elle ne sait tout simplement pas comment les défendre contre l'extérieur, par exemple contre la Russie ou la Turquie. Deux crises récentes ont donné à l'Union un avertissement salutaire. La guerre entre la Russie et la Géorgie, l'été dernier, et la crise du gaz, en janvier, ont souligné que les guerres et la brutalité dans les rapports entre Etats n'ont nullement disparu.

Ce sont des réalités inconfortables pour l'Union, puisque son principal mythe fondateur est celui d'une paix éternelle et la conviction que les Etats doivent régler leurs problèmes par la négociation et le compromis. En conséquence, l'Union suppose que la guerre appartient au passé, comme si les guerres étaient pour les autres, des peuples moins raffinés, moins cultivés. Mais les guerres sont partie intégrante de la politique internationale et de la nature humaine, elles nous concernent donc au premier chef. Faire la guerre nous a traditionnellement appris qui "nous" sommes. Au Moyen Age, l'Europe était la chrétienté, et l'Islam et les Ottomans, nos ennemis déclarés. Aujourd'hui, les Européens s'imaginent mal prenant le glaive pour défendre ce en quoi ils croient. C'est risqué. Il ne faut pas oublier que les "Barbares" ont vaincu l'Empire romain, non parce qu'ils lui étaient culturellement supérieurs, mais parce que les Romains ne croyaient plus qu'ils devaient se battre pour eux-mêmes et pour leur culture. Ils avaient perdu le courage et la foi.


L'Europe doit donc raviver la flamme qui l'anime et affirmer sa confiance en elle-même. L'Union doit se réveiller pour défendre son modèle et ses valeurs. Qui sont ceux qui la menacent réellement aujourd'hui ? Pas les Etats-Unis, ni même la Chine ou la Russie. Ce qui la menace, ce sont, par exemple, l'immigration illégale, qui déstabilise son modèle de société, ou encore l'islam extrémiste. Dans un proche avenir, les armes nucléaires iraniennes représenteront également un danger pour l'Europe.

Dans le passé, l'Union s'est abritée sous le parapluie militaire américain et a renoncé à organiser sa propre défense. Aujourd'hui, ce temps est révolu : elle doit développer sa politique de défense, non seulement pour se préparer au pire - c'est-à-dire la guerre -, mais aussi pour s'engager dans un nouveau projet catalyseur qui implique l'édification d'une nation à l'échelle européenne.

Nous n'avons pas de héros européens, seulement des héros nationaux. Nous n'avons pas de "rites de passage" européens, ni de guerres menées pour ou par l'Europe. Au contraire, celle-ci se conduit comme le gendre parfait, gentil et sympathique. La politique étrangère de l'Union est marquée au coin du "politiquement correct" : elle prend toujours le parti du faible en se conformant à la loi internationale, elle fait du maintien de la paix.

Bref, elle est attentionnée et nourricière. Ce sont là des qualités féminines indiscutablement importantes, mais aussi très éloignées des guerres qui créent une expérience partagée et un sentiment d'appartenance commun. Si être "gentil" permet de s'attirer de la sympathie, cela ne permet pas de créer une identité par la confrontation aux autres. L'Union doit se défaire de son image aimable, féminine. Il est essentiel qu'elle devienne "méchante" et s'engage dans des interventions militaires, même sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Elle ferait ainsi savoir à ses partenaires internationaux que "l'Europe" joue en ligue des Champions, et en même temps, elle signalerait à ses citoyens que c'est elle (et non pas les Etats qui la constituent) qui prend en charge les affaires de sécurité et de défense.

L'Union doit affirmer qu'une guerre pourrait être nécessaire pour protéger notre idéal et nos intérêts communs, surtout au moment où l'euroscepticisme relève la tête et le patriotisme est de retour. Ainsi les Européens se sentiront européens, ils prendront conscience qu'ils forment véritablement un tout, qu'ils ne partagent pas seulement une histoire mais aussi un destin. Montrer est plus important que parler. Ce n'est que lorsque les citoyens européens comprendront qu'ils doivent défendre côte à côte leurs intérêts et leurs valeurs, qu'ils affirmeront être prêts à faire le sacrifice suprême, qu'ils parviendront à réaliser l'importance de l'Union, à donner naissance à une identité européenne.

Peter van Ham

Peter van Ham intervient dans l'Union et la force, documentaire de Jean Quatremer, journaliste à Libération, et Jean-Michel Meurice, ce soir sur Arte à 20h45.

Source du texte : LIBERATION



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