Chaussée de Jimmy Choo, armée de mon ordinateur et accompagnée d'un cocktail au champagne, je suis une assidue des bars des grands hôtels.
Il y en a un que j'affectionne particulièrement — l'ambiance y est feutrée, le service impeccable et les cocktails y sont PRESQUE les meilleurs de Paris.
Pourtant un détail aurait dû me faire fuir depuis longtemps: les peintures et les sculptures dont il est orné.
Un amateur trouverait très probablement désagréables leurs formes, laides leurs couleurs, déprimant leur sujet.
Un historien de l'art ou un critique ne discernerait dans ces oeuvres aucune pertinence par rapport à l'histoire de l'art.
Mais ce n'est pas gênant. C'est comme si, justement, ces oeuvres n'avaient aucune existence, se réduisant à quelques couleurs ou à une silhouette de bronze qui ponctuent le décor de l'hôtel. Le regard ne s'y accroche pas. Et malgré leur laideur objective, elles se dissolvent dans le décor.
Ces oeuvres, qui ont pourtant pour intention d'être des oeuvres d'art, n'ont pas plus d'existence que des objets de décoration. Elles n'ont pas d'existence séparée. Elles n'ont pas de consistance.
L'autre jour, j'ai essayé de comprendre pourquoi.
Si c'était à cause du désagrément esthétique qu'elles procurent, on pourrait citer au contraire toutes sortes de chefs-d'oeuvre dont la beauté n'est pas la valeur fondamentale.
Si c'était à cause de leur intérêt quasi nul au regard de l'histoire de l'art, on trouverait cependant quelques réussites dans les marges de l'histoire.
Je crois au fond, tout simplement, que c'est parce que ces oeuvres n'ont aucune sincérité. Ce que je veux dire par là, c'est qu'elles sont fabriquées, c'est-à-dire faites avec des bouts de chandelles accrochés les uns aux autres. Leur auteur s'est dit: "pour faire de l'art, il faut ceci, ceci et cela", et c'est tout. Le résultat ne dit rien. L'artiste n'y a rien mis de ses tripes. Elles laissent indifférent.
Beaucoup pourraient dire: "normal, ce sont des oeuvres ringardes, alors à quoi d'autres s'attendre?" Mais,si on regarde les choses un peu attentivement, on s'aperçoit que l'art qui se veut le plus contemporain se construit très souvent sur le même principe et produit un résultat qui revient au même.
(J'y reviendrai ...)
(Image: Bronzino, Allégorie, 1540-1545, National Gallery, Londres)