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La méthode Descoings, miroir aux alouettes

Publié le 02 juin 2009 par Lheretique

Je ne peux qu'abonder dans le sens de Philippe Cohen, seul journaliste a avoir établi clairement la véritable nature de la méthode Descoings. Du battage et encore du battage : on a compris le message, bien lourd et populaire à souhait avec son "lycée pour tous". J'observe d'ailleurs, que quelques blogueurs sont tombés à pieds joints dans le panneau. Ils ont accepté l'invitation de Richard Descoings et lui servent désormais de béni oui-oui. Il faut dire que l'individu s'y entend à manipuler ses interlocuteurs avec ses propositions frappées du bon sens...Descoings est dans la doxa : il sanctifie les langues vivantes, stigmatise l'élitisme républicain, et veut la même chose pour tous en abrasant tout ce qui fait la différence. Il est d'avis de jeter les vieilleries aux orties ou à la décharge. Il faut être moderne. Oui, moderne, au sens où l'entend l'ami Ambrose dans son dictionnaire du Diable : Lycée n. 1/. École antique où l'on s'entretenait de morale et de philosophie. 2/. École moderne où l'on discute de football. Il faut dire qu'il vaut son pesant d'or l'ami Ambrose. A "Consulter", on trouve par exemple la définition suivante : Rechercher l'approbation d'autrui pour un projet déjà bien arrêté. Ah, je l'imagine bien, l'Ambrose, secoué spasmodiquement de ricanements à la lecture des propositions d'un Descoings.

Richard Descoings veut du chiffre : plus d'étudiants à l'IEP, plus de lycéens, plus de lycées visités. Le chiffre, cela ne vous rappelle pas quelque chose ? Le chiffre, c'est moderne. C'est la culture du résultat. Alors pour avoir des résultats, Richard Descoings visite...le plus de lycées possible. Et il consulte...

On trouve dans le rapport de Descoings la grandiose déclaration suivante :  L’hétérogénéité sociale plus marquée des élèves entrant au lycée fait en effet de l’accès à la culture, à la musique, aux arts et aux pratiques artistiques un enjeu de société de premier ordre. Si l’on veut que cet accès soit le plus équitable possible sur l’ensemble du territoire, il faut prendre résolument appui sur le lycée qui offre à la fois un espace et un temps uniques pour développer une politique volontariste en la matière, à destination du plus grand nombre de jeunes adultes.

Question à mes lecteurs , devinez qui, sur le bondy Blog, il y a quelques jours, déclarait à deux étudiants qui s'inquiétaient de la disparition d'options rares (histoire de l'art, latin, grec) : On va donc remettre du latin et grec pour tout le monde en France ? On va retourner au lycée d’il y a 50 ans ? Arrêtez ! Ce n’est pas possible. [...] Il y a un développement des options, porté par les classes dirigeantes, porté à juste titre par les milieux intellectuels. Jacqueline de Romilly, de l’Académie française, appelle tous les deux ou trois ans au retour du grec, qui est une merveilleuse façon, effectivement, d’ouvrir l’esprit vers la culture. Mais, quitte à me fâcher avec les élites, je le dis tout de suite : on ne reviendra pas au grec ancien pour les lycéens. Veut-on plus d’égalité pour tous ou plus de choix pour certains ? Plus de réussite pour tous ou plus de réussite pour une petite proportion des jeunes Français ?

Autre morceau d'anthologie : Tous les jeunes peuvent découvrir la littérature. Mais pour avoir accès à la littérature, il faut maîtriser les fondamentaux du français, et cela vaut pour toute littérature et toute langues étrangères. Ce que je veux dire, c’est que parfois, chez certains jeunes, l’enseignement traditionnel du « Cid » ou de « Phèdre », ça ne passe pas. Ils décrochent. Et notre ami de conclure qu'un atelier théâtre fera l'affaire. Wow ! Je suis impressionné ! Richard Descoings est moderne...

Le rapport de Descoings est ici, mais ce n'est pas la peine de le lire : c'est un poncif de la vox populi, et surtout, de toutes les tentatives de réforme du lycée dont personne n'a voulu ces dernières années : réduction des enseignements, suppression progressive de l'examen terminal du baccalauréat, culte des langues étrangères (Descoings dit tout et son contraire : que ne s'est-il avisé que l'absence de maîtrise des langues étrangères était peut-être à mettre en lien avec l'absence de maîtrise du français dont il fait pourtant un objectif prioritaire), mise en concurrence des disciplines, bla bla habituel sur le lycée professionnel, béni oui-ouisme sur la diversité et la discrimination positive. Mais, Descoings connaît la voix de son maître, j'ai remarqué, dans l'échange avec les étudiants sur le Bondy Blog sur les options rares, qu'il s'est bien gardé de répondre sur l'histoire de l'art. Eh oui...Nicolas Sarkozy aime l'histoire de l'art, figurez-vous, puisqu'il veut la voir enseignée à toutes les sauces au collège puis au lycée.

Évidemment, tout n'est pas à jeter dans les propositions de Descoings, mais, il y a là avant tout de la poudre aux yeux. La réalité, c'est qu'il faut habiller avec de pseudo-propositions la future saignée de l'Éducation Nationale. L'argument-massue, c'est de réduire le corpus disciplinaire en clamant que les lycéens passent trop d'heures en classe. Il va de soi qu'il sera bien plus aisé par la suite de supprimer des heures d'atelier, de réflexion sur l'orientation et cetera que des heures disciplinaires. Espérons que les acteurs de l'Éducation ne tomberont pas dans le panneau. Il n'y a pas de projet autre, dans le rapport de Descoings que de faire du chiffre, d'être efficace, moderne et de réduire les coûts. On y trouve aucune réflexion ni dimension humaniste, notamment sur la place de la culture alors que cette dernière cimente la nation. Pire, on y trouve la volonté affirmée d'en finir avec l'excellence. En fait, le lycée pour tous, pour Richard Descoings, ce n'est pas donner l'accès à l'excellence à tous, mais, au contraire, à personne. C'est dans la novlange la mise en pratique de l'égalité des chances dont on nous rebat les oreilles, et qui nous permet d'esquiver la douleureuse question de l'équité.

Cela me rappelle un sketch de Thierry Le luron sur Mitterrand. On interroge Mitterrand sur la planification économique. Ce dernier, très docte répond : quand il y a à Bordeaux 5% de chômeurs et à Strasbourg 10%, la planification, c'est faire en sorte qu'il y ait 10% de chômeurs aussi à Bordeaux...


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