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Je ne vais pas tourner autour du pot : je suis un fan de Sam Raimi mais pas de tout ce que le cinéaste réalise. Je préfère quand le bonhomme se lâche et assume des projets personnels plutôt que d’assurer la simple mise en scène de longs métrages de studio. La saga Evil Dead figure en bonne place dans ma filmographie personnelle.
Avec "Jusqu’en enfer" j’ai retrouvé quelque peu l’atmosphère de cette trilogie d’horreur. Le dernier né de Sam Raimi est un film assez réussi, mené tambour battant, aux effets qui fonctionnent et qui fout la pétoche à deux ou trois reprises.
Christine Brown (Alison Lohman) gère les prêts immobiliers d’une banque de Los Angeles. Elle est en concurrence avec l’un de ses collègues pour une importante promotion. Pour marquer sa fermeté et impressionner le directeur de l’établissement, elle refuse une troisième prolongation de prêt à Madame Ganush (Lorna Raver).
La décision de Christine met Madame Ganush à la rue. La vieille femme lance la terrible malédiction du Lamia sur Christine. La vie de la jeune femme devient un véritable cauchemar.
Elle a trois jours pour réagir avant d’être damnée éternellement.
"Jusqu’en enfer" est avant tout un film d’ambiance. Sam Raimi nous met la tête sous l’eau et ne nous lâche plus. Sa fable horrifique se vit pleinement si le spectateur plonge à pieds joints dans cet univers ténébreux.
Je ne vais pas jouer le spectateur blasé mais j’ai vu tellement de longs métrages avec des histoires de possession ou de démons, que je suis en partie vacciné. Cependant Sam Raimi utilise des recettes vieilles comme le cinéma d’horreur (des portes et des fenêtres qui grincent ou claquent, des murmures ici ou là) mais qui sont toujours aussi efficaces.
Le metteur en scène tire le maximum sans déployer d’énormes moyens. Les meilleures séquences sont celles qui mettent aux prises Christine Brown et le démon qui la harcèle. Une chambre, un salon ou une cuisine sont des terrains de prédilection pour des passages bien amenés qui pèsent sur la santé mentale de l’héroïne. Ces faces à face sont étourdissants et vraiment inquiétants.
La séquence qui m’a le plus perturbé se déroule dans le parking souterrain de la banque quand la vieille femme, gitane de son état, agresse Christine. Des minutes bien flippantes.
L’histoire en elle-même reste classique. Le twist final s’anticipe allégrement mais le réalisateur achève son film par une conclusion digne de ces meilleures réalisations. La touche finale relève indiscutablement le déjà très bon niveau de "Jusqu’en enfer".
Sam Raimi montre aussi qu’il a le chic pour se démarquer des cinéastes qui ont pillé ses œuvres depuis 25 ans. Dans sa démarche il y a comme une manière de dire "eh ho je suis toujours là". Sa mise en scène est efficace.
Le cinéaste est aussi joueur. Il s’amuse à glisser ici ou là des références à "Evil Dead". Je ne vais pas m’amuser à pointer les renvois mais le plus étonnant est la voiture de Madame Ganush, une Oldsmobile Delta 88, que conduisait Ash (Bruce Campbell) dans "Evil Dead"
La chose la plus étonnante pour un film de cette trempe, mais au combien habituelle avec Raimi, est la propension à voir naître des choses assez drôles au beau milieu de l’horreur le plus sombre. "Jusqu’en enfer" n’échappe pas cette immuable tradition. A deux ou trois reprises le trait est volontairement forcé que le spectateur est pris d’une envie irrésistible de sourire malgré le drame qui se déroule sous ses yeux.
Ne pensez pas que je sois blessant ou insultant mais parfois nous tombons au beau milieu d’une frénésie grand guignolesque. Je dirais tout simplement que Sam Raimi ne se prend pas au sérieux et qu’il met en scène un long métrage avec beaucoup de respect pour ses fans (qui connaissant quelque peu ses trucs) mais qu’il souhaite également attirer un nouveau (et jeune) public plus impressionnable.
Il y aussi à l’inverse des moments gore assez écœurants. On presque envie de tourner la tête.
Le long métrage repose exclusivement sur l’étonnante prestation d’Alison Lohman. Sa détresse fait peine à voir et sa chute nous glace d’effroi. L’actrice impose son joli minois mais aussi un jeu d’une classe folle. Seule Lorna Raver parvient à tirer son épingle du jeu. Justin Long, plus au fait lorsqu’il s’agit de sauver le monde, manque cruellement de charisme ici et d’épaisseur.
"Jusqu’en enfer" est un long métrage impressionnant par la justesse de sa réalisation et le propos divertissant. Mais c’est avant tout un honnête film d’horreur aux accents bien gore. A voir par les amoureux du genre.
Et ils sont nombreux.