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Antoine Hervé par Antoine Hervé

Publié le 06 juin 2009 par Assurbanipal
La leçon de Jazz d'Antoine Hervé. Paris. Auditorium Saint Germain. Mardi 2 juin 2009. 19h30.
Antoine Hervé : piano, explications
François Moutin : contrebasse
Louis Moutin : batterie
Véronique Villemard : clavier électrique
Après avoir disséqué Charles Mingus, ce soir Antoine Hervé explique ses propres compositions. Un exercice intellectuel d'autopromotion en quelque sorte. Les explications données étaient très techniques. Etant ignorant du solfège et des lois de l'harmonie j'ai pu me tromper en prenant des notes. Je prie par avance mes sympathiques lecteurs et mes séduisantes lectrices de m'en excuser et je suis preneur de toutes les corrections.
« Sous les lofts de Paris » commande de la Mairie de Paris. Cette composition, guidée par la ligne de basse, est en mode de ré phrygien. C'est le mode espagnol avec une tierce majeure comme altération. Cela se trouve dans Ravel, la musique bulgare, africaine. C'est basé sur une suite de quintes. Antoine Hervé nous explique et nous joue la charpente du morceau. La mesure asymétrique : démonstration avec le batteur. Thème flou sur cette ligne de basse : précision rythmique main gauche, souplesse main droite. Explication sur les modes indiens, des figures rythmiques, rapides, complexes. Jeu en trio avec doubles croches qui donne un continuum rythmique. Ils jouent la première partie de « Sous les lofts de Paris ». Le jeu correspond bien aux explications. Rythmique impeccable main gauche, thème flottant main droite. Le synthé est censé remplacer les cuivres...Ce morceau a été composé pour big band, l'Orchestre National de Jazz dirigé par Antoine Hervé.
Une autre composition pour big band « Quai de la gare »composé en hommage au lieu de répétition, dans le 13e arrondissement de Paris (métro Quai de la gare). Ce morceau fait référence au « Troisième Courant » (« Third Stream »-) qui mélangeait Jazz et Classique dans les années 1950 ( John Lewis, Gunther Schuller). Une fugue dans ce morceau. Une ambiance incertaine au début : mi majeur, mi mineur comme accord. Un motif qui tourne autour de la note (en dessous, au dessus). Une broderie inférieure (note au dessus) ou supérieure (note en dessous). Un motif à 7 temps. Un motif « apache » (vif, brusque) . Une mesure à 4 temps avec un contrepoint rythmique à 3 temps (4+3=7). La fugue, c'est un thème qui s'ouvre en éventail. En classique, le développement de la fugue est écrit. C'est du contrepoint. En Jazz, on improvise. Là est la différence. Changer les octaves des notes cela s'appelle « désoctavier un thème ». Après l'explication du morceau, il n'y a plus qu'à le jouer. C'est une œuvre de jeunesse avec pas mal de feu dedans explique Antoine Hervé. C'est une vraie leçon de composition ce soir. Difficile à suivre pour un ignorant comme moi. Heureusement les nombreuses illustrations m'évitent de décrocher.
« Just live to tell the tale ». Cette mélodie fut un tube au Japon. Un an après sa composition Gabriel Garcia Marquez sortait son autobiographie « Vivre pour la raconter ». Démonstration avec Bach au piano et à la contrebasse. Puis « When a man loves a woman » autre mélodie proche que la rythmique joue au quart de tour.
Au lieu de descendre la ligne de basse, Antoine Hervé la fait remonter. « Comme dans toute bonne chanson, il faut reprendre deux fois la même chose » explique Antoine.Troisième partie sur des tonalités lointaines. Puis reprise du thème une troisième fois. La claviériste est sortie de scène. Mode oriental puis un vamp, une cellule rythmique sur laquelle on se pose. Ca fait résonner le piano comme une grande cloche. Le jeu rubato est sans tempo, sans barre de mesure ce qui donne des possibilités de variations énormes du simple fait de faire sauter les barres de mesures. Démonstration avec piano et contrebasse.Ballade éthérée, un peu guimauve à mon goût. Le batteur les rejoint aux balais. Ca se réveille un peu. Plus qu'une ballade, c'est une berceuse.
Libération de la barre de mesures avec le Free Jazz. Ornette Coleman respecte la tonalité. La rythmique était élastique. C'était fréquent dans la musique romantique (Chopin). Thème très simple autour de la fondamentale de do. Triple broderie. « Deltaplane ». Après le thème on improvise directement . Effectivement ils improvisent tous les trois en même temps. Retour au thème pour conclure.
Retour sur scène de la claviériste pour jouer de la musique « spectrale ». Un spectre harmonique c'est l'octave puis quinte, puis quarte, puis tierce... Il existe aussi des spectres inharmoniques. On peut moduler une note par une note. Démonstration de modes. Un mode révèle une culture : mode asiatique, celtique...Dans la musique centrale on retranscrit les fréquences d'un verre en cristal en notes pour orchestre symphonique. Il faut jouer lentement, en harmonie. Antoine Hervé a voulu mélanger ces couleurs spectrales avec les accords de Jazz. « Jazz at the Inharmonics » thème dont le titre est un clin d'œil au Jazz at The Philarmonic (JATP) de Norman Granz. Ca swingue et ça résonne. Le batteur est aux balais. Le clavier électrique prolonge les effets du piano. Parfois ils s'arrêtent pour laisser le son s'étirer.
« Les pensionnaires » sorte de marche lente, rythme à 14 temps. Normalement tout le monde tape des mains sur le 14e temps. Ca marche. Boutade de musiciens : « Avec le batteur c'est plus sûr. Sans, c'est plus agréable ». Le morceau est joué avec des sonorités aigues au clavier électrique. Au 14e temps, les spectateurs tapent des mains. Ca marche ! Ca swingue avec ce rythme inspiré du zarb. La musique c'est la poésie des mathématiques. On met de l'émotion sur des décomptes. Ce morceau donne envie de danser. Fin nette.
D'ailleurs, Antoine passe désormais à des petites spéculations arithmétiques. Petite démonstration contrebasse/batterie puis le piano les rejoint. Ca swingue méchamment. Le propos est trop mathématique pour moi. J'ai perdu le fil de la démonstration mais le résultat est convaincant.
Antoine Hervé porte le même nom de famille qu'Edmond Hervé, maire de Rennes de 1977 à 2008. Il doit être Breton. Il finit avec la transe, les Celtes et les cérémonies druidiques. D'après lui, il se passe des choses étranges en Bretagne surtout la nuit. « J'ai passé mes vacances d'enfance à Saint Cast le Guildo, dans les Côtes d'Armor. On ne voit pas les mêmes choses que sur la Côte d'Azur. On trouve des Bretons partout, pas seulement à Montparnasse. Il existe un festival de musique celtique en Chine ». Le Rennais que je suis ne peut que souscrire à ces propos. La cornemuse a 9 notes et s'accorde en si bémol. Antoine Hervé chante le bourdon du biniou koz et joue par dessus. Motif à 7 temps puis motif à 6 temps. Pont à 5 temps qui évoque les cultes druidiques nocturnes. Fin en tutti qui évoque la danse sacrale du Sacre du Printemps d'Igor Stravinsky. Rythmique à 3 temps et basse décalée en syncope. « Démons tarés » titre qui fait subtilement allusion aux Monts d'Arrée en Bretagne. Véronique joue la cornemuse avec un son de flûte sur son clavier. Cette sorte de swing breton décalé vient conclure la leçon de Jazz de ce soir.
L leçon de ce soir fut difficile mais instructive.
La prochaine leçon de Jazz d'Antoine Hervé portera sur le pianiste et compositeur Herbie Hancock et aura lieu le jeudi 25 juin 2009 à 19h30 à l'Auditorium Saint Germain à Paris.

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