C’est le souvenir d’un sentiment dont parle si bien Yukio Mishima dans le « Pavillon d’or » : « Le soleil déclinait; les collines s'enveloppaient de brume. Quelques visiteurs franchirent la porte à peu près en même temps que père et moi. A gauche, autour de la grosse cloche, il y avait un bouquet de pruniers encore fleuris. Sur le seuil du bâtiment principal qu'ombrageait un orme immense, père demanda à être introduit. Le Prieur avait une visite, lui fut-il répondu, et nous priait de bien vouloir l'attendre une petite demi-heure. « En attendant, viens faire le tour du Pavillon d'Or», dit père. Il voulait certainement montrer à son fils qu'il était connu dans la maison et se disposait à entrer sans payer; mais depuis le temps — cela faisait une dizaine d'années — où il venait fréquemment au temple, le préposé aux billets et aux amulettes aussi bien que l'homme du contrôle n'étaient plus du tout les mêmes. « La prochaine fois, ils auront encore changé!» fit père d'un air navré; mais j'eus le sentiment que son « la prochaine fois » manquait de conviction. Néanmoins, dans un mouvement délibérément jeune (c'est seulement dans des cas comme celui-là, seulement quand je choisissais d'agir de telle ou telle façon, que je retrouvais quelque chose d'un adolescent), je m'élançai joyeusement, courant presque, devançant mon père. Et ce Pavillon d'Or dont j'avais tant rêvé, voici que, d'un seul coup, bien trop vite, il déploya devant mes yeux l'ensemble de ses formes ».