Sur les conseils d'une collègue, j'ai enfin lu Antigone. Enfin... une version de l'Antigone de Thèbes. Il en existe au moins une vingtaine! J'ai ainsi mis un pied dans la mythologie grecque et la tragédie que je ne connaissais absolument pas...
Présentée sous l'Occupation, en 1944, l'Antigone d'Anouilh met en scène l'absolu d'un personnage en révolte face au pouvoir, à l'injustice et à la médiocrité.
Son histoire, la voici.
Antigone, fille du Roi Oedipe et de la Reine Jocaste, a deux frères, Ectéocle et Polynice, et une soeur, Ismène. A la mort de leur père, ce sont les deux fils qui héritent du trône, et il est décidé qu'ils règneraient sur Thèbes un an chacun en alternance.
Mais lorsque Polynice revient pour prendre la succesion de son frère sur le trône, Etéocle la lui refuse. Polynice lève alors une armée pour reprendre le pouvoir de force, et les deux frères finissent par s'entretuer. Créon, leur oncle (et frère de Jocaste) devient alors roi de Thèbes.
Estimant que Polynice, par ses actes, est un traître à son peuple, il offre des funérailles de roi à Etéocle, tandis qu'il laisse le cadavre de Polynice sans pleurs et sans sépulture, en proie aux corbeaux et aux chacals; toute personne qui osera lui rendre les devoirs funèbres sera immédiatement puni de mort.
Mais Antigone s'oppose à cela et décide d'aller enterrer son frère. Elle tente de joindre à sa cause Ismène, mais celle-ci redoute trop la colère du roi, et préfère s'abstenir. Rien, pourtant, pas même l'amour d'Hémon (fils de Créon), ne fera faillir Antigone. Alors, à deux reprises, elle brave la surveillance du roi pour aller ensevelir son frère. Immanquablement, elle se fait attraper par les gardes qui la mènent à Créon.
Celui-ci, ayant tout de même de l'affection pour sa nièce, tente de la raisonner et de lui accorder sa pitié, mais Antigone, toute entière et determinée qu'elle est, s'entête. Créon la fait alors enterrer vivante. Hémon, de chagrin, descend dans la fosse avec elle, et regardant son père droit dans les yeux, s'enfonce une lame dans le ventre, et se meurt contre sa bien-aimée.
La pièce s'ouvre sur un prologue magistral qui est indispensable pour la compréhension des évènements et du destin des personnages. Dès lors, toutes les bases de la tragédie qui s'annonce sont jetées, et alors la tragédie est déjà là. On sait les personnages prisonniers de leur destin, la lecture de la pièce nous donnera juste le comment. Anouilh le dit lui-même très justement:
"Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragédie, on donne le petit coup de pouce pour que cela démarre, rien [...]. C'est tout. Après on n'a plus qu'à laisser faire. [...] Dans la tragédie, on est tranquille. D'abord, on est entre soi. On est tous innocents, en somme! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir. [...] Dans le drame, on se débat parce qu'on espère en sortir. C'est ignoble, c'est utilitaire. Là, c'est gratuit. C'est pour les rois. Et il n'y a plus rien à tenter, enfin!" (pp. 53-54)
Antigone, Jean Anouilh
La Table Ronde, 1946
[Pièce en 1 acte]