Magazine Culture

Jacques André : “Les 100 mots de la psychanalyse”

Par Colbox

Libé 11/06/2009
J’épelle mon psy
Critique.
Amour, visage, hystérie, fantasme… Jacques André explique de manière lumineuse la psychanalyse en cent petits essais.
Par NATALIE LEVISALLES

100mots.1244741464.jpg

Jacques André

Les 100 Mots de la psychanalyse
«Que sais-je ?», PUF, 126 pp., 9 euros.

Au départ, un projet modeste : les 100 Mots de la psychanalyse, 120 pages dans la collection «Que sais-je ?». A l’arrivée, un petit livre lumineux et presque violent tant il touche juste. En 100 entrées, le psychanalyste Jacques André réussit à nous dire des choses limpides sur les concepts et la pratique analytiques. Il le fait dans un langage non jargonesque (ce qui est une tendance depuis une petite dizaine d’années, voir la Fin du divan, de Raymond Cahn, 2002), léger, et juste donc, à la manière de certains psychanalystes quand ils disent juste ou écrivent juste.

Ce petit livre dit énormément, il nous parle, nous fait comprendre et nous donne à penser. Ce qu’il dit a à voir avec ce que sont les hommes et les femmes d’aujourd’hui dans la société d’aujourd’hui. C’est autre chose que des notes de bas de page à l’œuvre de Freud, c’est le contraire aussi bien du galimatias technique que de la simplification démagogique et du bavardage des manuels de développement personnel.

Conflit. A l’entrée «Amour», en quelques lignes, il nous dit l’essentiel sur le bonheur et le malheur d’aimer. A «Attachement», à propos des blessures de l’enfance, il explique que, «si elles sont inconscientes, ce n’est pas d’être inacceptables comme le refoulé, mais de ne pas avoir été réparées, transformées, reconnues». Plus loin, il décrit le conflit psychique avec, d’un côté, le surmoi, qui «revêt la forme d’une autorité intransigeante, pesant comme une chape de plomb sur la vie et ses plaisirs, à l’image d’un dieu calviniste». De l’autre, le côté du ça, qui «s’exprime par une impatience pulsionnelle, “tout tout de suite”».

A propos de la culpabilité, Jacques André remarque que la psychanalyse «conduit à un élargissement considérable de la responsabilité, en un sens bien différent d’une psychologie de la conscience et du libre-arbitre. “Je ne l’ai pas fait exprès” est moins une excuse que la promesse d’une répétition. Priver le criminel de sa culpabilité en le déclarant “irresponsable” conduit régulièrement à sa destruction psychique».

A propos de l’angoisse, il relève une différence fondamentale entre les sexes : «Véritable autocastration, le moment d’impuissance replie l’homme sur lui-même ; l’angoisse de castration est fondamentalement narcissique, c’est un morceau de soi que l’on perd.» Alors que l’angoisse de la femme «est objectale, une perte d’amour : “Il ne me désire plus, il ne m’aime plus.”»Même sur «Deuil (travail de)», il réussit à nous dire des choses nouvelles, c’est dire !

On pourrait presque conseiller au lecteur de commencer sa journée en lisant «Corps», «Pulsion» ou «Fantasme», un des cent mots de la liste, comme d’autres se réveillent en méditant. De manière répétée, ce livre va à l’essentiel, sans insister : au contraire, il laisse ouvert, ce qui lance la pensée du lecteur, la laisse libre de s’envoler, au lieu de l’alourdir par un développement (laborieux ou brillant, ce n’est pas le problème). On retrouve là la manière du psychanalyste britannique Adam Phillips. S’il y a une spécificité dans la façon d’écrire la psychanalyse, c’est peut-être celle-là.

En plus des mots attendus (acte manqué, complexe d’Œdipe, hystérie…), il y en a de moins attendus (humour, tendresse, visage…). Jacques André va du noyau dur de la théorie freudienne («De l’inconscient au ça, il n’y a pas que le nom qui change, l’accent aussi, plus sombre, et l’image, plus chaotique… On pressent une puissance contraire, destructrice du désir lui-même, fascinée par le néant, une pulsion de mort») à ses échos sociaux ou politiques («Dans les sociétés où la menace de la honte, plus que la culpabilité, joue un rôle régulateur… c’est toujours au prix d’un accroissement du sentiment de persécution»).

Voyage. On appréciera aussi les pages où il réussit à parler de sa pratique et en particulier du contre-transfert avec humour et empathie. «Pour être psychanalyste, il faut deux choses, un patient et un collègue», écrit-il, citant son collègue François Perrier.

Quant à la «règle fondamentale» de l’association libre, celle qui est énoncée à l’analysant au tout début de son voyage, il rappelle que cela ne veut pas dire parler tout le temps ou passer du coq à l’âne. «Ce qui est attendu, espéré, c’est l’incident… Rien n’est plus doux à l’oreille du psychanalyste qu’une phrase qui commence par : “Ça n’a pas de rapport mais…”»

é

é


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Colbox 147 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossiers Paperblog

Magazines