La magazine de RVFérence de l'amateur

Par Olif

Il y avait longtemps que je n'avais pas consenti à racheter un numéro de la RVF en kiosque. Je n'aurais peut-être pas dû. Mais deux accroches de la couverture m'ont incité à mettre la main au portefeuille. Millésime 2008, d'abord, c'est écrit en gros. Après l'avoir feuilleté rapidement, j'y ai relevé plusieurs noms de vignerons et de vins que j'affectionne. En Jura (L'Octavin, et surtout Fanfan Ganevat, qui décroche la palme, quel scoop!,...), en Roussillon (bon nombre de ceux découverts à Saint-Jean de Monts), en Loire (Sébastien David, plébiscité pour son In Vivo, donc millésime ... 2006!, mais aussi pour l'hurluberlu 2008, heureusement). Et puis, ce numéro spécial se proclame "le magazine de référence de l'amateur", ce que, innocemment, je pense encore être (un amateur, pas une référence!). J'y suis donc allé de mes 7,50€. Quand même! Je n'aurais peut-être pas dû.

Bon alors, qu'est-ce qu'on lit de beau, dans ce magazine rvférent de l'amateur, en dehors de toute une sélection des soit-disant "plus beaux" vins du millésime 2008, alors que l'immense majorité d'entre eux ne sont encore qu'au stade embryonnaire?

Tout d'abord, une analyse de la démocratisation bordelaise, intitulée de façon très sarkozy-tendance "la fin des années Bling-Bling". Ce qu'il faut en retenir, essentiellement, c'est que ces années de disette économique contraignent les aristocrates girondins à ouvrir les portes de leurs dégustations aux manants et aux roturiers, autrement dit aux amateurs, blogueurs ou forumeurs. Au grand dam des journalistes viniques,  qui persistent à voir d'un mauvais œil l'envahissement de leur pré carré par des hordes d'analphabètes du vin, qui n'y connaissent rien et qui feraient mieux d'acheter ce qu'on leur conseille plutôt que de vouloir venir jouer dans la cour des grands. Et si le journaliste mandaté cite néanmoins quelque nom de blogueur émérite, en l'occurence celui de Daniel Sériot, passionné de la rive droite et dégustateur stakhanoviste de toutes les portes ouvertes bordelaises, y compris celle des primeurs, c'est pour mieux mettre en avant le travail consciencieux des p'tits gars de la RVF, qui goûtent et regoûtent encore, se forgeant un jugement inégalable sur les meilleurs vins, ce qu'aucun amateur ne pourra jamais se permettre, au vu de ses compétences, tout juste bonnes à émettre un avis. Donc, en résumé, continuez d'acheter ce qu'on vous dit et surtout ne la ramenez pas, car ce que pense un "web-dégustateur" ne vaut pas tripette. C'est en quelque sorte la substance de cet article socio-économico-grandguignolesque de Jérôme Baudouin, qui s'étonne presque que Bordeaux soit tombé si bas pour dérouler un pareil tapis rouge à la plèbe vino-internautique. Sur un ton presque crucial, il fait même mine de s'inquiéter pour son avenir et s'interroge: "la masse des avis individuels des amateurs remplacera-t-elle demain le jugement de professionnels expérimentés?".  Tant que ces derniers seront aussi imbus d'eux-mêmes, ce serait bien, oui, en fait! Parce que moi, tu sais, le tribunal...!

Ensuite, page 15, un petit clin d'œil à Fabrice le Glatin, dans une thermobrève tempérée, pour saluer l'envol de Vinsurvin 2.0, la rvférence des blogs vins. Coucou Fabrice et bravo à toi! Faut-il y voir un renvoi d'ascenseur pour une récente interview de Denis Saverot publiée sur Vinsurvin? Entre référence et déférence, aucune préférence...

Question: est-ce qu'une interview de Jérôme Baudouin sur le Blog d'Olif me vaudra les mêmes honneurs?

Plus loin, on apprend, de la bouche même de Raymond Redding, directeur du courrier à la Poste, que "le Bandol est le seul vrai rosé!". C'est même écrit en gros en haut de l'interview. J'ai demandé à mon facteur ce qu'il en pensait: lui, il préfère le Tavel. Question de goût, probablement. Ou alors de moyens.

Sensationnalisme, quand tu nous tiens...

Et puis, il y a enfin  Antoine Gerbelle et son Bloc-Notes. Sympa, l'Antoine. Et impayable. Je l'ai rencontré en 2007 à Angers lors de la remise du 1er Wine Blog Trophy. On a mangé un morceau ensemble. A la même table, exactement. Oui, Monsieur. A l'époque, les blogueurs, il les prenait déjà pour des petits rigolos. Un précurseur! Il n'a pas beaucoup changé. Sauf que, lui, maintenant, il cultive aussi l'humour vinique déjanté. C'est bien, Antoine, continue de fumer comme ça, c'est du Belge! Que la Magnum Force soit avec toi! Si je peux me permettre un conseil, ouvre un Blog-Notes. Sur le tout nouveau tout beau site de la revue, annoncé en vain, mais à grands coups de biniou, depuis des lustres. Faudra quand même se dépêcher, hein, afin d'être prêt pour le WBT 2010!

Ce qu'ils n'ont pas l'air de vouloir comprendre, les p'tits gars de la RVF (ou alors ils font juste semblant?), c'est que le véritable et sincère amateur de vins n'a plus envie de se contenter du "jugement" de quelques œno-journalistes en mal de renommée influente (voir à ce propos la petite étude sur l'influence des journalistes du vin, écrite par un des leurs. L'humilité, ça s'apprend, en fait! Merci Hervé Lalau!). L'amateur, il veut participer à la messe. Il veut se goinfrer d'hosties. Il veut vampiriser le sang du Christ. Ce que bon nombre de vignerons, d'organisateurs de salons et d'attachés de presse ont, eux, bien intégré, leur permettant de s'impliquer d'une manière ou d'une autre dans le monde un peu cadenassé du vin réservé aux pros. Toutes les retombées sont bonnes à prendre. Parler du vin, de quelque manière que ce soit, pro ou amateur, c'est communiquer, véhiculer de l'information, promouvoir. Le Web y a désormais une grande place. Ne tardez pas à y prendre la vôtre, les petits gars de la RVF, parce que, de ce côté-là, vous êtes un peu largués! Pas besoin de se monter le bourrichon les uns contre les autres, pourtant. Tous ensemble dans le grand melting-pote des œnophiles copains. Chacun son créneau, sa sensibilité, sa façon de voir les choses, sa crédibilité. Ce n'est pas de la concurrence, mais de la complémentarité. Bon, c'est pas demain la veille, en fait, tant qu'il y aura autant de mépris et de suffisance affichés unilatéralement. A moins que le bœurvf ne craigne que quelques grenouilles ambitieuses ne finissent par lui faire de l'ombre? Peu probable, pourtant, tant que les coâsseurs n'enflent qu'au niveau des chevilles.

La RVF, le magazine de référence de l'amateur? Je veux bien, mais de quel amateur s'agit-il, au fait?

Je ne sais pas vous, mais moi, ça m'a fait un bien fou d'écrire ce petit billet!

Bon, maintenant...  !

Olif