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Médaille miraculeuse

Par Céline

Par Mister de Paris

Le mystère de la médaille soviétique incluse dans le macadam de l’avenue Denfert-Rochereau, avait fait, on s’en souvient, grand bruit. Après une minutieuse enquête, Paris Croque-Note est en mesure de vous révéler l’entière vérité. En 2003, Soleimane, proprio d’un commerce de presse depuis 15 ans est en bagarre contre le projet municipal consistant à faire passer un couloir de bus sur son trottoir. Il profite d’une rénovation de celui-ci pour y inclure la fameuse médaille. Un acte de résistance, certes modeste, certes passive mais miraculeuse puisque il fut décidé que les bus passeraient au milieu de l’avenue et non sur ses étals. C’est un touriste russe qui lui a échangé, un jour, cette médaille contre une pièce de monnaie ouzbek oubliée sur son comptoir.

Soleimane a arrêté la vente de presse en septembre dernier, puisque celle-ci se vend de moins en moins bien, mais continue d’être le libraire et le papetier du quartier. On y croise des habitués, des gamins mais aussi les vieux prêtres, ses voisins de la maison de retraite où Monseigneur Lustiger finit ses jours. Il y a aussi le passage de touristes en short, en quête de livres pas chers ou d’autres, en panne de sudoku.

Soleimane, est iranien, réfugié politique. Il a aujourd’hui la double nationalité. Il y a plus de trente ans, après des séjours en Angleterre, en Italie, en Suisse, il a fini par choisir la France pour poursuivre, à Paris, ses études en urbanisme mais aussi, ajoute t’il, par amour de la République. Celui qui avait fuit le régime du Shah pour ne plus pouvoir rentrer en Iran après la révolution islamique est un joueur d’échecs redoutable. Mon frère aîné, affirme-t-il, champion d’Iran de l’époque n’a jamais réussi à me battre. Depuis, Soleimane a laissé tomber : La nuit je ne rêvais plus que de combinaisons et de parties. J’ai dû arrêter. Je devenais fou. Une fois, j’ai joué contre un type. Je lui ai dit, montre-moi la case où tu veux que je te mette mat. Il a souri, m’a désigné l’endroit et en douze coups, il était mat !

Soleimane fait la causette à sa clientèle, parle culture mais aussi vie quotidienne, cherche à décrocher des sourires, juste pour le plaisir. En revanche, s’il lui arrive de s’absenter de sa boutique, il convient pour le client de payer ce qu’il prend. A cet effet, Soleimane, laisse sa photo sur le comptoir, histoire de rappeler qu’il faut toujours régler ses dettes. Sans quoi, le papetier pourrait se faire janissaire… Soleimane rigole, un vieux curé sort du 94 de l’avenue Denfert-Rochereau et d’un pas lent et sans malice marche sur la médaille ; vous savez, celle du début, la soviétique, la miraculeuse.


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