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les turcs et le troc en toc

Publié le 16 juin 2009 par Aymeric

Oui a la turquie Je ne comprendrai jamais que ceux qui le proposent ne se rendent pas compte que la notion de partenariat privilégié appliquée à la Turquie est une indécente arnaque, une odieuse verroterie contractuelle qui ne bernera personne.

Déjà liée à l’Europe par un accord d’association depuis 1963 et un accord douanier depuis 1966, que pourrait attendre la Turquie de ce fumeux concept ?
Ce refus grossièrement maquillé ne l’humiliera que davantage et n’atténuera certainement pas le parjure qu’il impliquerait.
Oui, parce que la Turquie est le pays dont la candidature est la plus ancienne. L’accord de  1963 prévoyait, à terme, son éventuelle adhésion. Le 13 décembre 1999, le Conseil européen lui donne le statut de candidat officiel en précisant même qu'elle est « un État candidat qui a vocation à rejoindre l’Union européenne sur la base des mêmes critères que ceux qui s’appliquent aux autres candidats ». Enfin en 2005, après plus de quarante ans d’un long processus de rapprochement, les pourparlers d’adhésion sont officiellement ouverts.
Ça ressemble tout de même fortement à un engagement.

On aura beau jeu, dès lors, de poser en vertueux pour dénoncer le chantage des Turcs quand ceux-ci osent avouer qu’ils l’auraient assez mauvaise si l’Europe ne les traitait pas comme les plus récents entrants et s’asseyait sur sa parole.
Les craintes suscitées par l’entrée de la Turquie ne seront à mon avis que de peu de poids comparées aux conséquences d’un refus.

Le nature asiatique de la Turquie ?
La belle affaire.
Déjà que l’affirmation est très discutable, ses rapports avec l’Europe étant nombreux et continus depuis plusieurs siècles, l’argumentation ne repose que sur de l’essentialisme.
Or l’Europe est en fait - malgré l'apparent paradoxe - moins une entité figée, liée à un territoire fini, qu’un principe et des normes.

Tournons-nous un peu vers Michel Rocard : « L’Europe a consacré son énergie à tenter de débloquer ce qui ne marche pas, l’approfondissement politique, et à ignorer ce qui marche, l’élargissement. Et si elle faisait l’inverse, si elle décidait de s’appuyer sur son point fort ? La dynamique de l’élargissement, en effet, ne se tarit pas. Les adhésions sont des succès : elles apportent stabilisation démocratique et développement économique. Après chaque élargissement, les pays aux nouvelles frontières de l’Union n’ont qu’une hâte, adhérer à leur tour. Dans ce scénario de l’élargissement, il ne s’agit plus de construire une nation européenne mais de contribuer à rapprocher les peuples. L’Union a permis aux ennemis mortels d’hier - la France et l’Allemagne - de vivre ensemble en harmonie et de prospérer. Elle a vocation à étendre son mode de régulation démocratique et économique le plus largement autour d’elle. C’est d’autant plus crucial pour l’avenir du monde que les grandes failles de la mondialisation, celles du «choc des civilisations» entre l’Islam et l’Occident, passent à ses frontières : Turquie, Moyen Orient, Maghreb. L’Europe, par l’élargissement, pourrait ainsi contribuer à les pacifier. »

Et moi d'applaudir car c’est là qu’à mon sens se joue ce qu’il y a de plus stimulant, de plus neuf et puissant dans la construction européenne : le développement économique et la diffusion de normes.
J’entends bien que pour certains c’est moins vendeur qu’une Europe fédérale, puissance politico-militaire animée de fantasmes Carolingiens, mais moi ça m’exalte.

Ça m’exalte parce que l’idée de voir les Critères de Copenhague respectés par une part croissante de nos voisins immédiats me parait des plus rassurantes. (Oui, me rassurer m’exalte, mettez ça sur le compte d’une adhésion assumée au tiédisme socio-démocrate.)

Ça m’exalte parce que l’organe à l’origine de cette diffusion possède, contrairement à ce qu’en pensent beaucoup, plus de garanties d’indépendance, de séparation, de contrôle des pouvoirs et de transparence que bon nombre d’États européens mêmes.

Ça m’exalte enfin parce que ce qui est en marche associe la saveur de l’inédit à une solidité insoupçonnée. Puisque nous sommes sur le terrain du droit, terrain réservé aux sachants dûment adoubés par l’Université, je me réfère à une feue sommité du domaine, le juriste Jean Carbonnier, qui parlait de ces droits qui n’ont « ni histoire, ni territoire », comme « surgis d’abstraction » mais ne présentant pour autant nullement  le caractère éthéré qu’on prête aux u-topies, car « autour des droits européens s’est constituée une telle capitalisation d’intérêts et d’ambitions qu’il faudrait rien de moins qu’une éruption de volcan pour faire crouler ces Babylones modernes. »

Si on ajoute à cela que, face au caractère global d’un nombre croissant de phénomènes, on ne pourra longtemps faire l’impasse sur l’établissement de normes mondiales, l’élargissement tel que défini plus haut par le grand Michel (et donc, incluant la Turquie pour lui donner force et consistance) ce n’est pas marqué dessus, mais c’est le salut.


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