Rien qu'en écrivant ce titre, je sens que ça va être douloureux car ne choisir que 10 passages dans l'oeuvre de ce génie implique de passer à l'as nombre de musiques magnifiques. Mais bon, l'idée est de ne pas vous en dégoûter. Il faut donc aller à l'essentiel. Je ne vous parlerai pas de "la truite" qui a peut-être fait plus de mal qu'autre chose à ce compositeur, car son oeuvre se résume pour beaucoup à ce morceau, qui plus est "version Francis Blanche". Si néanmoins vous voulez l'écouter, il y a une version incontournable enregistrée au Festival de Marlboro en 1967, avec Rudolf Serkin au piano (le thème de la Truite apparaît au 4ème mouvement).
Peut-être est-ce la faute à Gilbert Cesbron, mais lorsqu'il est est question d'un musicien fauché par la mort dans la fleur de l'âge, c'est toujours Mozart qui est cité. Il a vécu tout de même 4 ans de plus que Schubert, mort à 31 ans. Et la taille de l'oeuvre de Schubert n'a rien à envier à celle de l'enfant prodige. Plus de 900 oeuvres en 20 ans !
Néanmoins, ce sont les oeuvres qu'il compose les dernières années de sa vie qui sont les plus belles et les plus émouvantes. Je dirais même déchirantes pour certaines.
Oeuvres pour piano
C'est sur cet instrument que Schubert à commencé à composer. Ses sonates et autres impromptus sont parmi les plus belles pièces pour piano jamais écrites.
Sonate D959, andantino (2ème mouvement) : ce morceau lent fait d'abord penser aux lieder qu'il a composé par ailleurs. Une sorte de chanson triste. Et puis la machine se détraque vite. S'emballe. Et l'auditeur est embarqué dans une mélodie folle, mélodramatique, dont il est difficile de sortir indemne. La mélodie de départ reprend ensuite, mais le coeur n'y est plus et l'élan brisé. Tragique.
Dans le même disque, il faut écouter absolument le Klavierstück n°2 D946 : écrit sous une forme ABACA (à savoir, un refrain A, un couplet B, de nouveau A, puis un couplet C, puis A pour terminer). La mélodie principale est gentillette et le morceau aurait un intérêt limité s'il n'y avait qu'elle. La partie B fait penser un peu à l'emballement évoqué dans le morceau précédent. Du coup lorsqu'on retourne au refrain, notre esprit a du mal à l'écouter comme la première fois. Il y transparaît quelque chose de plus désespéré. Et là arrive le coup de grâce avec la partie C : une mélodie surgit d'on ne sait où. Certainement la plus belle qu'ait jamais écrite Schubert. Sublimement désespérée, vous prenant aux tripes, réveillant en vous une tristesse tapissée au plus profond de votre être. Autant dire qu'après cela, la mélodie gentillette prend un côté funèbre que vous n'aviez pas perçu et finit par s'éteindre d'elle-même.
Dans ces deux morceaux, l'interprétation de Dalberto est absolument magnifique. Une référence absolue!
Sonate D 960, molto moderato (1er mouvement): pour moi la plus belle sonate de Schubert et l'une des plus belles pièces de l'histoire de la musique. C'est le même principe que les deux pièces précédentes. Une mélodie au départ, lente et belle qui va se répéter régulièrement au long des 20 minutes que dure le mouvement. Mais progressivement elle va partir en lambeaux, entrecoupée par des "cris" de colère, de désespoir, avec parfois des fulgurances lumineuses absolument sublimes. Chef d'oeuvre absolu !
L'andante sostenuto qui suit est également de toute beauté.
Ma version de référence est celle de Vladimir Ashkenazy mais elle n'est pas disponible sur MusicMe. Celle de Mitsuko Ushida est d'un niveau quasi équivalent.
Trio pour piano, violon et violoncelle
L'andante con moto du trio opus 100 est connu de tous les cinéphiles, puisqu'il est un élément sonore récurrent dans Barry Lindon. Que dire si ce n'est que Kubrick n'utilise pas la partie la plus intéressante du mouvement. C'est beaucoup plus captivant lorsque la mélodie est malmenée, déstructurée par Schubert, passant d'un instrument à l'autre, jouant sur les tempi, pour finir par s'évanouir doucement à la fin.
Je vous ai mis une version "moderne" pour le confort de l'écoute. Perso, j'adore un vieil enregistrement délicieusement pourri datant des années 30, avec un Serkin jeunot jouant avec son beau-père. A la suite de ce trio, il y a une version sublimissime de la fantaisie pour Piano et violon D 934 (si on sait passer outre le son chevrotant du 78 tours...)
Quatuors
Là c'est l'horreur. Parce que n'en choisir qu'un, c'est la déchirure totale. Tout est magnifique, là dedans ! Bon allez, on va faire classique. On va prendre le n°14 dit "la jeune fille et la mort". Le premier mouvement est d'une tension incroyable, avec une entrée en matière assez foudroyante. Et bien sûr, il faut écouter le deuxième mouvement qui est une variation sur le thème musical d'un lied de Schubert "la jeune fille et la mort" (d'où le surnom du quatuor).
Bon, je vous l'ai pas dit, mais le N°15 est superbe, dans un style un peu plus torturé (si, c'est possible)
Quintette pour deux violoncelles
Là c'est moins dur. Il n'y en qu'un. Mais il se suffit à lui-même. Là encore ,pas de tout repos, mais qu'est-ce que c'est beau. Si vous n'avez pas 50mn à lui consacrer, écouter juste l'adagio. Comme d'hab, ça démarre tendrement, et puis Schubert ne peut s'empêcher, ça dégénère violemment, douloureusement, pour revenir au thème de départ.Ma version préférée est celle du Quatuor Juilllard, mais elle n'est pas dispo. Ceci dit, celle du Weller est très bien.
Orchestre symphonique
Schubert a écrit 9 symphonies sans compter une dixième dont on a trouvé des fragments et réussi à reconstituer partiellement (et donc dite n°10). Nous allons nous intéresser à la plus connue qui est celle que je préfère : c'est la numéro 8 dite "inachevée", tout simplement parce que Schubert n'a jamais réussi à la finir, comme beaucoup d'autres de ses oeuvres.Vu qu'elle n'est pas très longue, vous pouvez l'écouter en entier ;o)
Je vous ai mis la version Giulini : vous avez en prime l'adagio de la 9ème de Mahler.
Les lieder
C'est probablement ce qui fait le plus la spécificité de Schubert. Ces chansons justes accompagnées d'un piano ont été composées pour animer les réunions musicales qu'affectionnait Schubert. Et elles avaient un grand succès, ce qui l'incitait à en composer d'autres.
Le cycle que je conseille le plus, c'est la belle meunière : ça raconte l'histoire d'un pauvre hère qui tombe amoureux de la fille d'un meunier, mais celle-ci lui préfère un beau chasseur. De tristesse, il se suicide en se jetant dans le ruisseau (c'est un moulin à aube). Cette histoire qui pourrait tenir sur un ticket de métro réussit à faire tout de même 20 lieder !J'ai découvert sur MusicMe cette version que je trouve vraiment très belle. Le chanteur a une voix très douce et n'en rajoute pas des tonnes, ce qui est trop rare. Par contre, ce qui est bizarre, c'est que les titres sont en français alors qu'il chante en allemand (pas grave...). Si vous voulez n'écouter que quelques chansons, je conseille "la couleur aimée", "Fleurs séchées, "le meunier et le ruisseau" et la "berceuse du ruisseau". Mais tout est bien ! Les paroles sont disponibles ici (avec la traduction)
Bon, en comptant bien, on doit être à 10 ;o) Je crois que l'on va s'arrêter là, car vous n'aurez pas trop du week-end pour tout écouter !
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