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Des âneries qui conduisent au Paradis…

Par Perce-Neige
Des âneries qui conduisent au Paradis…

Pourquoi écrire ? Et peut-on, même, ne pas écrire ? Le Journal (Folio) de Katherine Mansfield ne cesse de parler de ça… De l’angoisse de vivre quand elle s’exprime sous la forme d’un rapport charnel à l’écriture. Ce récit est d’autant plus déchirant que Katherine Mansfield devait mourir jeune. C’est le 4 juillet 1922, six mois avant sa mort (elle n’a que trente-quatre ans) : « Voilà un petit cahier qui me condamne, absolument à la façon d'autrefois. Comme je me suis livrée ! C'est aujourd'hui mardi. Depuis mon départ de Montana, j'ai écrit environ une page. Le reste du temps, il semble que j'aie dormi. Naturellement cette inaction a fait renaître toutes les Anciennes Terreurs : la peur de ne plus pouvoir jamais écrire, d'être atteinte de la maladie du sommeil, et tout ce qui s'ensuit. Mais, ce matin, je me suis presque libérée et ce soir j'ai l'impression que, peut-être, une période de convalescence m'était absolument nécessaire. L'esprit était étouffé sous les épaves de toutes ces terribles marées. J'ai écrit à Kot, aujourd'hui. Cela semble rapprocher les choses. C'est à présent, seulement, que je recommence à voir, à reconnaître de nouveau la beauté du monde. Par exemple, les hirondelles aujourd'hui, leur vol palpitant, leurs queues veloutées et fourchues, leurs ailes transparentes qui ressemblent aux nageoires des poissons. Cette petite tête sombre et la gorge, dorées dans la lumière. Puis, la beauté du jardin, la beauté des allées ratissées... Puis le silence. Je mène éternellement une guerre de petites tromperies. Déchire donc ce livre ! Déchire-le, maintenant ! Mais voilà, je fais semblant de prendre des notes sur un livre que j'ai déjà lu et que je méprise. Quelle affreuse, abominable ineptie ! Je voudrais écrire demain l'histoire du canari. Tant d'idées me viennent et s'en vont. Si le temps m'en est donné, je les écrirai toutes ; si ce temps ininterrompu continue. Cette histoire de l'hôtel serait merveilleuse, si je pouvais m'en tirer. S'il se trouve un livre à lire, quelque médiocre qu'il soit, je le lis. Je m'entête à le lire. Ai-je été ainsi toujours ? Je ne m'en souviens pas. Quand je regarde en arrière, je m'imagine que j'écrivais sans cesse. Et des âneries, par-dessus le marché. Mais il vaut bien mieux écrire des âneries, écrire n'importe quoi que de ne pas écrire du tout. » Même des âneries, dit-elle. Et c’est vrai que, souvent, ce qui compte c’est le mouvement. La main se crispe sur le stylo en une ultime tentative de se détourner du principal. Et ce sont les premiers mots qui déclenchent l’orage. Vous n’avez plus, alors, qu’à guetter l’arc en ciel.


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