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Un "chantier de poème " (par Maryse Hache)

Par Florence Trocmé



Poezibao propose ici de suivre le travail de composition d'un texte, idée initiée par Ariane Dreyfus et reprise ici par Maryse Hache, pour un poème publié sur son site, Le Semenoir.

poème en chantier : 1, 2, 3, 4, 5, 6

1.
trembler d'émotion
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec celui qui désire
et celle qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre

_émotion_ |trop explicatif, démonstratif, voire explicite
laisser plus d'énigme, davantage de silence, où peut venir se poser le lecteur | plutôt en dire moins que trop

_celui/celle_/même remarque
referme la griffe sur l'étiquetage du genre et du nombre
laisser l'expansion possible de la langue, lui offrir l'air et l'espace où s'épanouissent les grands arbres en lumière du deuxième vers

2.
trembler d'émotion
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec celui qui désire

et celle qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre

3.
trembler
avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre

où est le focus
où le poème fait-il le  point
entre trembler  et être un arbre, voire le devenir
le devenir tellement la conscience sensible s'y installe et s'y abandonne
donc pour l'infinitif un vers séparé des autres par un interligne
rythme dans les signes posés sur le papier et rythme de la respiration de leur lecture

4.
trembler

avec la lumière dans les arbres
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre

une unité dans les trois vers qui suivent ce trembler me semble réclamer un interligne à leur suite pour qu'elle apparaisse plus clairement, et séparée des deux vers suivants qui construisent une autre unité
revient aussi la question musicale du rythme

et quelque chose dans la succession des trois pluriels de la fin de chaque vers me gêne
trop flou / l'image manque de piqué
et encore le rythme : 8 7 8 plutôt que 9 7 8
alors il n'y aurait qu'un arbre
il n'y a qu'un arbre dans lequel la conscience sensible s'abîmer
ça donnerait ce qui suit

5.
trembler

avec la lumière dans l'arbre
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre

encore quelque chose dans le rythme ne convient pas dans les deux derniers vers

peut-être ne sont-ils pas à donner sans interligne pour sauvegarder l'arbre en solitude, l'arbre qui se détache dans l'espace du poème autant que celui de la vision extérieure, il est dans le focus, il convient qu'il se voie

et la succession des deux derniers vers peut laisser supposer que être un arbre  serait conséquence de ce refus, ce dire non, ce qui n'est pas le cas

alors ajout d'un interligne
cela dissociera la fuite et le qui dit non auquel le poème ne veut pas le lier
et cela mettra aussi en valeur ce "qui dit non " auquel ici je tiens, en cette occurrence-là, manière de ne pas céder, manière de tenir, de stehen, à la celan

6.
trembler

avec la lumière dans l'arbre
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux
avec qui désire
et qui fuit
qui dit non
jusqu'à être un arbre

mais la dissociation n'est pas assez forte
ce qui dit non est trop tranchant, brutal, ne correspond pas à l'élan sensible, il fait écran au mouvement, au vent, à la lumière

je vais reprendre le verbe trembler et voilà que le poème me dit la conscience sensible entrée dans la contemplation de l'arbre jusqu'à sa métamorphose

élan final du poème

trembler

avec la lumière dans l'arbre
avec le vent dans les feuilles
avec les plumes des oiseaux

avec qui désire
et qui fuit

et qui dit non

trembler
jusqu'à être un arbre


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