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Fais-moi plaisir ! : Conte moral en trois parties et une party

Publié le 28 juin 2009 par Boustoune


De film en film, Emmanuelle Mouret trace son sillon dans le domaine de la comédie française et impose son style très particulier et délicieusement suranné, qui rappelle à la fois le théâtre de boulevard, les comédies morales d’Eric Rohmer et tout un pan du cinéma comique allant de Tati à Woody Allen.
Son film précédent, Un baiser s’il vous plaît, était un marivaudage plein de charme et d’esprit sur les relations hommes-femmes et la naissance impromptue du désir, dont la scène-clé était une scène de lit un peu embarrassée entre un jeune homme (Mouret lui-même) et sa meilleure amie (Virginie Ledoyen) ayant accepté de coucher avec lui pour « lui rendre service ».
Sa nouvelle réalisation, Fais-moi plaisir !, démarre sur une scène de lit tout aussi curieuse et développe un ton similaire, bavard et un peu théâtral.
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Un matin, au saut du lit, le personnage principal, Jean-Jacques, a envie de faire l’amour avec sa compagne, Ariane, mais celle-ci ne semble pas tout à fait dans les mêmes dispositions. De ruses en négociations, il finit par la décider, mais, patatras !, son téléphone portable sonne et vient interrompre les ébats. C’est une femme au bout du fil. Ariane lit de la gêne sur le visage de son conjoint et se met à le cuisiner sur l’identité de la mystérieuse inconnue. Il finit par lui avouer le fin mot de l’histoire : Par l’intermédiaire d’un ami, il a rencontré un type ayant mis au point une technique de drague infaillible. Il réussit à séduire de belles inconnues en leur glissant un petit mot très habilement écrit, les enjoignant de s’abandonner à un petit instant coquin sans lendemain. Ce qu’elles acceptent inévitablement. Un peu dubitatif, il a voulu expérimenter lui-même la méthode auprès d’une jeune femme assise dans un café. A sa grande surprise, cela a parfaitement fonctionné, puisque Elisabeth, la charmante inconnue, essaie depuis désespérément de lui donner un rendez-vous galant.
Ariane est d’abord furieuse, puis réfléchit un peu et décide qu’il est préférable que Jean-Jacques assouvisse son fantasme et aille au bout de son aventure avec cette femme inconnue. Il s’agit d’être « moderne » pour sauver leur couple. Jean-Jacques, très embarrassé et réticent à cette idée saugrenue, n’a pas d’autre choix que d’accepter cette alternative…
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Là, surprise ! Alors que l’on s’attendait à ce que le film approfondisse cette réflexion sur la libéralisation des mœurs et continue dans la veine le marivaudage léger, le film prend un virage inattendu vers le pur burlesque visuel.
Jean-Jacques se retrouve invité à une soirée au domicile d’Elisabeth, pendant laquelle il va provoquer catastrophe sur catastrophe, dans un style qui évoque, de manière tout à fait consciente le chef d’œuvre de Blake Edwards, La party.
Il fallait être sacrément culotté pour oser faire aussi ouvertement référence à ce monument du burlesque sans craindre la comparaison. Mais pour Emmanuel Mouret, l’important, c’est que les gags fonctionnent et de ce point de vue là, on est agréablement servi ! Sans atteindre la perfection du film d’Edwards, le cœur de Fais-moi plaisir ! est une mécanique parfaitement huilée où les effets comiques s’enchaînent sans temps mort ni fausse note.
Le ton du film change encore dans une troisième partie plus étrange, aux accents oniriques, où le héros, contraint de fuir l’appartement d’Elisabeth après plusieurs péripéties et ce qu’il convient d’appeler une « pantalonnade », se retrouve dans un curieux appartement entouré de la domestique d’Elisabeth et de ses sœurs, nymphettes lascives semblant prêtes à s’abandonner à lui… Mouret ose les ruptures de ton, de style et d’ambiance, et s’autorise même une fin teintée d’amertume, où le personnage se retrouve pris à son propre jeu, et où le couple qu’il forme avec Ariane, bien que ressoudé par les événements de la nuit, devra vivre désormais avec un certain poids sur la conscience…
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Certains vont probablement considérer qu’Emmanuel Mouret commence à s’essouffler et à tourner un peu en rond. Il n’en est rien ! Même si on est tout à fait en droit de préférer Changement d’adresse ou Un baiser s’il vous plaît à Fais-moi plaisir !, la maîtrise narrative du cinéaste ne fait aucun doute et la façon dont il parvient à décliner, en de subtiles variations stylistique, ses thèmes de prédilection et son personnage de jeune homme timide, maladroit en amour, est assez remarquable. Toutes proportions gardées, il suit ainsi les traces de son maître, Woody Allen, qui continue d’année en année de recycler les mêmes sujets et le même genre de personnages, chaque fois de façon différente, pour le plus grand bonheur des cinéphiles…
Autre point commun avec le génial auteur new-yorkais, Emmanuel Mouret aime à incarner lui-même ses personnages principaux, et apporte un soin tout particulier au choix de ses partenaires féminines. Si Frédérique Bel est toujours fidèle au poste, Judith Godrèche, plutôt pas mal dans un rôle de bourgeoise en manque d'amour, et Deborah François, irrésistible domestique au visage lunaire, font leur entrée dans l'univers très sensuel du cinéaste.
Comme tous les films d’Emmanuel Mouret, Fais-moi plaisir ! ne fera pas l’unanimité au sein du public. Le ton décalé, le phrasé particulier des personnages et les ruptures de rythme risquent de décontenancer une audience habituée aux comédies formatées pour le grand public d’aujourd’hui. Mais pour ceux qui joueront le jeu, et s’abandonneront au charme de cette petite comédie plus ambitieuse qu’il n’y paraît, le plaisir pourrait bien être au rendez-vous…
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