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A mort Madoff, vive Buffet ! ...

Publié le 29 juin 2009 par Franzie


Bernard L. Madoff a été arrêté par le FBI le 11 décembre 2008 après avoir révélé aux autorités le caractère frauduleux de ses activités financières. Il apparait alors que 65 milliards de dollars apportés par des clients à sa société de placements n’ont jamais été investis. La manip consistait à rémunérer ces capitaux en puisant dans les fonds nouvellement déposés.
Dans son principe l’arnaque est assez banale, maintes fois utilisée. Ce qui l’est moins c’est le gigantesque processus de développement par lequel Madoff a réussi à imposer son business pendant 48 ans, commencé, dit-on, avec une mise de 5 000 dollars !
Au début il y va mollo. Pas de promesses délirantes, des rendements un peu au dessus de la moyenne tout de même. Il commence par démarcher au sein la communauté juive à laquelle il appartient. On est entre soi : « Aie confiance !" Ca marche. Ca marche de plus en plus même. Madoff à donf ! T'as tout qui monte, les clients, les sommes investies, les rendements ; jusqu’à ce que Bernie devienne un des principaux opérateurs du marché.
S’il reste extrêmement discret sur ses méthodes, l’homme, lui, se hisse sans réserve au rang des notables de Wall Street : président de l’association des sociétés de bourse, puis président du Nasdaq.
Fin des années 90 des gens s’alarment pourtant : « Quand même, toutes ces performances qui montent au ciel ?... » Mais personne n’écoute ces mécréants. Au paradis du pèse Madoff n’est-il pas devenu Dieu ? Même la SEC (Security and Exchange Commission) n’y croit pas et laisse tomber. « Va en paix ! Bernie te bénie. » Et ça continue… Jusqu’au crac de 2008. Là, tout le monde veut récupérer son pognon, tout son pognon ! Bernie alors jette l’éponge. Mais Bernie ne nie pas, que nénni. Bernie les a bernés. Tous !
Il plaide coupable ; on l'embastille.
Dans des révélations étalées à longueur d’interviews à la télé, et reprises dans un bouquin intitulé Vanity Fair Madame Eleanor Squalleri, ex secrétaire de Madoff, en a rajouté une couche. Bien qu’il ait toujours été correct professionnellement avec elle, elle a bien voulu coopérer avec le FBI dans la recherche de la vérité sur ses affaires.
Parce que Bernie protège ses complices le bougre ! Elle en est persuadée. Ah putain ! Association de malfaiteurs ? C’est sûr ça, beaucoup en ont croqué et étaient de mèche. Et il les protège façon mafia. Ah, l’enflure, le salaud ! Tu vas te mettre à table ordure ! Nous donner des noms hein ?
Mais c’est pas tout, Eleanor se doit de révéler autre chose : oui Madoff dépensait sans compter, en plus il aimait les gonzesses que s’en était gênant. Et il allait aux putes ! Sa femme en était malheureuse, vous savez… Oh non ! Là on se pousse du coude, on se met la main devant les yeux. Ah l’infâme ! L’abject individu. Pourriture, ignoble vicelard... Rien qu’à voir sa sale tronche de taulard désormais, on voit bien que c’est vrai. Ouias, bon...
Vous me direz, ça rassure cette ignominie incarnée. Malin le chien ! On peut désormais mettre un visage sur la crise financière, en avoir une image concrète, fixer sa haine sur quelqu’un… Ouais c'est ça, à mort Madoff, à mort ! hurle la populace. 150 ans de prison qu’il a droit ? C’est pas assez ! On devrait inventer la zonzon pour l’éternité avec des monstres pareils...
Bon bin, on tient le méchant. Mais où qu'il est le gentil qui va sortir la finance de cette merde ?
Et là bingo ! Mais oui, mais c’est bien sûr : Warren Buffett. Le plus riche derrière Bill Gates. Fortune évaluée à 37 milliards de dollars. Sa légende est déjà en librairie sous le titre The Snowball: Warren Buffett and the Business of Life, écrite par Alice Schroeder en septembre 2008 « Lorsque vous recrutez quelqu'un cherchez 3 qualités : l'honnêteté, l'intelligence, l'énergie. Si la première manque les deux autres vous détruiront » se plait à rappeler l’homme à qui l’on a passé la tunique de l’ange blanc. Un milliardaire honnête, dans ce cloaque de pourris ? Oui monsieur ! Un homme d’affaires, d’entreprise qui plus est, pas un spéculateur, et qui réalise du 20% l’an sans détrousser son prochain. Conseiller d’Obama et de Schwarzenegger. Généreux donateur aussi. L’anti-Madoff quoi. Une aubaine ! Avec lui Wall Street ne serait donc pas condamnée à aller dans le mur, et ça a fait la une du Newyork Times : A Back to Basics Weekend With Warren Buffett que ça titrait, rapport au grand show qu'il tenu en mai dernier devant des milliers de petits porteurs victimes de la crise. Et le Warren, 78 ans, y était en grande forme je vous le dis, secondé par son partenaire Charlie Munger, un jeune de 85 printemps.
Retour aux basics ça veut dire retour aux choses élémentaires. Le simple bon sens au détriment de l’intelligence compliquée. « T’as un QI de 150 ? Revend 30 points à quelqu’un d’autre » lance Warren en se marrant. Les victimes, dont on a dû placer les plus esquintés aux premiers rangs comme dans un théâtre aux armées en temps de guerre, esquissent un sourire malgré leurs graves blessures au portefeuille. Et Pépère qui a senti la salle se chauffer de poursuivre en fustigeant ces trucs compliqués introduits dans la finance. « Si vous avez besoin d’un ordinateur pour calculer la valeur de ce qu’on vous propose, lâchez l’affaire ! » qu’il balance. « Tous ce fatras mathématique, ces courbes, ces modèles, c’est de la blague, de l’enfumage, enseigné aux jeunes dans les écoles parce qu’il faut bien leur apprendre quéqu’chose » Là, même les gazés de la catastrophe boursière doivent franchement se gondoler. Ca leur botte au poil ce discours aux vétérans du flouz. Virez-moi tous ces trous du cul de jeunes diplômés qui ont cru pouvoir apprendre à leurs pères à faire des gosses. Y nous ont juste envoyés au casse-pipe avec leurs conneries ; faut redescendre sur terre ! Pas vrai Charlie ? Voilà le message. L’ancien se les met définitivement dans la poche en jouant les modestes : « Et les gars, croyez pas, je suis comme vous. J’me suis pas couvert de gloire en 2008. » Et pour cause, même s’il lui en reste un bon paquet, avec la crise ses actifs ont baissé de moitié à Papy Monnaie. Les petits épargnants reprennent espoir. On danse mentalement devant le Buffett, le moral revient. Ouais peut-être que comme ça nos plans de retraite ne seront pas tout à fait nazes, se disent-ils. Enfin, peut-être ? Papa Warren avec ses airs de Père Noël n’a rien apporté dans sa hotte. Mais il leur a indiqué un chemin. Certains se voient déjà regagner leur maison de retraite en Floride avec le ticket de pension à jour, d’autres retrouver la pêche au gros et le golf ? Yes we can ! que ça fait dans leurs têtes.
Enfin !...
Bien sûr que tout ce barnum hollywoodien, le bon, le mauvais, l’ange et le démon, ça paraît simpliste. Bernie à sans doute eu beaucoup de complices, nécessaires pour qu’une telle arnaque fonctionne sur une si longue durée. Les qui savaient, les qui ne voulaient pas savoir, et puis tous les autres, les petits suiveurs naïfs qui en perdant sont devenus des salauds de pauvres. De l'autre côté, pour gérer sa fortune, le Warren ne fait pas dans l'aussi simple qu'il veut bien le dire.
Pourtant la crise ramenée ainsi médiatiquement à deux acteurs mis sur le devant de la scène permet de canaliser l'opinion, pendant que d'autres quittent le théatre d'ombre par la coulisse.
C’est vrai ça : à mort Madoff, vive Buffet qu’on vous dit…


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