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Ces voix qui peuplent nos rêves

Publié le 01 juillet 2009 par Perce-Neige
Ces voix qui peuplent nos rêves

Ne sommes nous pas tous, un peu, désormais, avec la Toile dont nous ne cessons d’explorer les plis, les excroissances monstrueuses, les interférences, comme ce Grover dont nous parle Thomas Pynchon dans « L’homme qui apprenait lentement » ?… celui ou celle qui cherche des « signaux capricieux », sans être jamais assuré-e de la réalité des voix qui peuplent nos rêves… On peut y trouver motif à désespérer. Quoi ! Faut-il admettre la réalité de ces hallucinations dont nos esprits se nourrissent ? On peut aussi penser que nous entrons dans une nouvelle galaxie, et que ces voix ne sont guère que l’écho de nos propres désirs. « Grover était radio amateur. Il avait monté lui-même tout son équipement. Seulement, le ciel et également les montagnes rendaient très capricieux les signaux qu'il captait. Certains soirs où Tim restait, la chambre de Grover s'emplissait au fil des heures de voix désincarnées qui, parfois même, venaient du large. Grover aimait beaucoup les écouter, mais il était rare qu'il répondît. Il avait des cartes punaisées aux murs, et chaque fois qu'il captait une nouvelle voix il la notait sur la carte avec sa fréquence. Jamais Tim ne l'avait vu dormir. Peu importait l'heure, il était toujours là à régler ses cadrans, avec sur la tête une énorme paire d'écouteurs bordés de caoutchouc. Il y avait aussi un micro avec un haut-parleur qu'il branchait parfois. Et, à demi éveillé, Tim entendait qui se mêlaient à son rêve les voix des flics qu'on appelait sur les lieux d'un accident de voiture, des bruits venus de nulle part, des chauffeurs de taxi partis attendre le train et qui ronchonnaient en parlant de café ou qui échangeaient des plaisanteries avec leur opérateur. On tombait parfois au beau milieu d'une partie d'échecs, ou sur des remorqueurs de l'autre côté de Dutch Hills, ils descendaient l'Hudson avec un train de péniches chargées de gravier, on entendait en automne et en hiver les équipes des Ponts et Chaussées à la nuit noire en train de dégager les routes avec leur chasse-neige ou de poser des barrières, et puis de temps en temps un cargo en mer lorsque la couche de Heaviside était favorable - et toutes ces voix venaient peupler ses rêves, si bien que, le matin, il ne savait plus quelle était la part de la réalité. Et ce n'était pas Grover qui l'aiderait. En se réveillant, avant d'être complètement sorti de son rêve, Tim lui demandait : « Dis, Grovie, et ce raton laveur perdu, les flics l'ont-ils retrouvé? » Ou bien : « Et ce bûcheron canadien en amont sur son train de bois? » Invariablement, Grover répondait : « Non, ça ne me dit rien. » Quand Etienne Cherdlu restait aussi coucher, il ne se souvenait pas des mêmes choses que Tim : des chansons, des gens qui observaient les blaireaux et qui semblaient rendre compte à une sorte de quartier général, des discussions enflammées à moitié en italien sur le football professionnel. » Punaiser des cartes au mur et noter la fréquence… On connaît ça, n’est ce pas ?


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