Le tour que le Kirghizstan a joué avec la base de Manas constitue une nouvelle preuve de la supériorité des Etats-Unis sur la Russie dans le domaine des relations avec les anciennes républiques soviétiques, lit-on vendredi dans le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
Seul Minsk résiste jusqu'à présent aux avances de Washington, tandis que Moscou n'entretient des relations normales qu'avec Erevan. Le succès des Etats-Unis s'explique par la compréhension de l'objectif, l'habileté à l'expliquer au partenaire et le prépaiement versé. En revanche, les objectifs de la Russie dans les anciens satellites restent flous au bas mot. La conduite du gérant coupant les gaz aux locataires indésirables les force de temps en temps à céder, mais est incapable de déboucher sur un partenariat fiable. Qui plus est, les émissaires de Washington sont toujours prêts à voler au secours des victimes de l'ours russe et à compenser leurs pertes.
Concernant Manas, la Russie a visiblement tenté de jouer pour la première fois à l'américaine, mais en vain. Quand il s'est avéré que le président kirghiz était susceptible de fermer la base, les Américains ont organisé des négociations si efficaces pour remplacer Manas avec Tachkent que le Tadjikistan a immédiatement accueilli une présence militaire des Etats-Unis à bras ouverts, le président tadjik s'étant personnellement chargé de faire la publicité de ses aérodromes. Pour mieux réfléchir, Washington a ajouté en prime un plan d'investissements. Et pendant que Moscou se demandait en combien de fois il convenait de verser à M. Bakiev les milliards promis, ce dernier a préféré une somme moins importante, mais versée en une fois par les Etats-Unis.
En outre, les points marqués par les Etats-Unis ne s'expliquent pas uniquement par leur savoir-faire pour acheter des leaders locaux. Ainsi, les sanctions de Washington sont ponctuelles (tout comme, par exemple, l'interdiction de l'entrée aux Etats-Unis d'Alexandre Loukachenko) et ne se répercutent pas directement sur la majorité de la population. Ce n'est pas le cas de Moscou qui frappe à tour de bras en imposant embargos commerciaux et blocus énergétiques.
M. Bakiev risque donc de traverser une époque difficile dans les relations avec la Russie. Il aurait mieux fait de ne pas tromper le Kremlin et de tenir sa promesse, ne serait-ce que pour le million de Kirghizes gagnant leurs vies en travaillant en Russie.
Bref ; la première tentative de Moscou d'appliquer la tactique américaine envers ses voisins a échoué. On verra ce qui surviendra en Moldavie qui se prépare à la répétition de ses élections législatives. Il serait pourtant dommage que la Russie adopte suite à l'échec kirghiz la "méthode du gérant" comme seul moyen de peser sur les anciennes républiques soviétiques.
Source du texte : Nezavissimaïa gazeta