Ça n'aura échappé à personne, le polar nordique a le vent en poupe. Mais si l'effet Millénium est passé par là, il n'en demeure pas moins que d'autres auteurs avaient (heureusement) déjà ouvert la voie, et favorisé ainsi la rencontre avec des pays et des cultures souvent méconnues. On pense bien sûr à Henning Mankell, Gunnar Staalesen, Jo Nesbo pour ne citer qu'eux. Sans oublier bien sûr Arnaldur Indridasson qui s'était fait connaître du grand public avec La Cité des jarres, et qui signe avec Hiver arctique, un superbe dernier ouvrage.
L'Islande. L'hiver, le froid. Un petit garçon assassiné à son retour de l'école, non loin de son appartement. Qui a bien pu poignarder ainsi un enfant que tout le monde s'accordait à dire qu'il était adorable ? Se pourrait-il qu'il s'agisse d'un crime raciste, le petit étant issu d'un père islandais et d'une mère thaïlandaise, divorcés depuis peu ? Son grand frère, dont on n'a aucune nouvelle depuis le meurtre, aurait-il un rôle à jouer dans cette tragédie? N'a t-il pas toujours eu du mal à se familiariser avec ce pays où sa mère l'a fait venir ? A moins qu'il ne soit lui-même en danger... Ce sont là toutes les questions auxquelles vont être confrontés le commissaire Erlendur et son équipe.
L'islande. L'hiver, le froid. Un petit garçon assassiné. Une affaire de femme disparue qui obnubile le détective. Le décor est campé, vous saute à la figure dès les premières pages. Et rien, absolument rien ne semble venir contribuer à éclairer la noirceur qui habite cet ouvrage. L'impact n'en est que plus fort. Comme le souligne à juste titre la quatrième de couverture, il s'agit là d'un roman réellement impressionnant. Pas forcément dans le sens où on serait enclin à le croire dans un premier temps: pas d'effets de manche, encore moins de rebondissements survoltés ou de retournements de situation à faire pâlir. Tout est en fait dans la musicalité, dans la portée de ce qui est véhiculé dans l'ensemble de ce roman et qui prend toute sa force dans une montée en puissance servie par la triste réalité qu'il dépeint.
Un impact fort, donc, qui fait tourner la tête pour la simple raison qu'il touche à une corde sensible, dénuée de tout pathos. La cause n'était pourtant pas acquise dès le départ. Non pas que le fait d'avoir fait la connaissance du commissaire Erlendur avec cette enquête m'ait gêné outre mesure. En fait, dans les premiers moments de lecture la difficulté a été de s'immerger dans la complexité de ce petit pays dont je ne connaissais absolument rien, et de me familiariser avec ses particularités géographiques ainsi que de ses codes.
Erlendur ne m'a pas non plus semblé franchement original. Je n'ai d'abord vu en lui qu'un archétype de l'inspecteur désabusé, divorcé, vivant seul et entretenant des relations plus ou moins conflictuelles avec ses enfants. Le point de vue a pourtant changé, à mesure que la montée en puissance évoquée plus tôt et la complexité du roman se sont faits jour.
Car à travers les personnages, leurs histoires personnelles, et les relations qu'ils entretiennent les uns avec les autres, le manque de communication, de dialogue et de compréhension – certaines scènes sont surprenantes dans ce qu'elles révèlent de fermeture ou de repli sur soi – Arnaldur Indridason passe au crible le phénomène de l'immigration dans son pays et de toutes les formes de violence qu'il suscite. Il fait état de ces discours simplistes et réducteurs à la peau si dure que l'on entend que trop et qui, sous couvert d'une idée de perte d'identité nationale, ne trahissent en fin de compte que la peur et la méconnaissance de l'autre.
Impressionnant, oui, vraiment.