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1939, année chiatique

Par Theclelescinqt

1939 n'a décidément pas été une bonne année. Elle a notamment vu, en sus de notre malheureuse entrée en guerre, la venue au monde de mes beaux-parents à moins de 15 jours d'intervalle, en décembre de cette année funeste. Toujours en binôme, que ce soit au moment de leur naissance comme, depuis la retraite, en goguette ensemble au supermarché. Qui tourne bien grâce à eux ceci dit. C'est vrai que deux adultes en pleine forme au top de leur consommation aux frais des actifs, et ce pendant 40 ans, soit de 56 à 96 ans au train où vont les choses, ça vous requinque une économie. Bénies soient ces douces lois dont nous ne profiterons pas, mais au moins qui n'auront pas été perdues pour tout le monde !

Ceux-ci ont une qualité, de bons rapports avec mes enfants qu'ils prennent aux vacances, nous octroyant à nous, couple parfois au bord de l'apoplexie, un peu d'air. Mais fallait pas faire quatre gosses, comme dirait ma belle-mère. Enfin, cinq, même si mon beau-fils compte pour du beurre si l'on se place de leur  point de vue tendancieux. Ils l'aiment autant que les autres, voire plus, mais il serait hors de question de leur chapelle de considérer que cet enfant nous cause le moindre effort supplémentaire. La pension alimentaire devrait être augmentée, sans considérer que depuis le divorce mon mari a quintuplé son nombre d'enfants. Le fait que nous devons avoir une voiture de sept places et cinq lits individuels à domicile n'entre pas non plus en ligne de compte. Tout est comme ça. Ils ont décidé de nier certaines choses qui paraîtraient à quiconque de la dernière évidence. D'abord de leur temps on ne divorçait pas tellement, alors ces problèmes n'existent pas.

Enfin bref moi qui ai un caractère de cochon, mais qui suis au courant, et qui me suis promis de ne plus jamais discuter de rien avec eux, hormis de la taille de la tarte aux fraises (et encore ça pourrait déraper avec ça), ce samedi, sans savoir comment je me suis retrouvée à leur asséner leurs quatre vérités, assaisonnées d'un ou deux Bordel! tonitruants comme je sais le faire, ce qui à coup sûr les aura bien choqués, enfin surtout une, du moins je l'espère. Comment ce genre de débat houleux commence-t-il ? J'imagine qu'une remarque sur les loyers m'a fait emprunter un sentier dangereux, du moins c'est ce que je présume, car il ne faut pas me chauffer beaucoup là-dessus en ce moment. Mon ton plein d'énergie a dû les inciter à montrer les crocs aussi, mais nous nous sommes contenus, et c'est de manière relativement civilisée que je les ai affrontés tour à tour, alors qu'ils tentaient de me régler mon compte idéologique, et qu'ils se heurtaient à une muraille digne du siège de Jérusalem. C'est que question opinions je suis une dure à cuire, et que je déteste les leurs.

Finalement je me suis entendu dire que j'étais une contestataire, que je ferais bien de devenir Présidente de la République, ou pire, une Ségolène, que mes enfants étaient mal élevés, car comment aurait-il pu en être autrement alors qu'ils allaient au Centre de loisirs, que je n'avais que des devoirs et aucun droit concernant Archibald, vu que ce n'était pas mon fils, que mon sol n'était pas propre, mais quand même j'avais assez bien réussi ma quiche lorraine. Au passage nous étions vraiment cons de ne pas devenir propriétaires de notre résidence principale, à Paris ou dans les Hauts de Seine, ou même beaucoup plus loin. Eux l'avaient bien fait, en 68. Les considérations de prix d'achat, d'apport, de prêt ou de durée d'emprunt, quand ce n'étaient pas les risques de licenciement, étaient tout à fait secondaires et parfaitement ridicules. D'ailleurs, nous étions de grands pessimistes, et le fait que cela nous soit déjà arrivé deux fois en trois ans n'avait pas d'influence à avoir. Point à souligner, je racontais n'importe quoi en parlant de doublement des loyers en 10 ans. Les loyers n'avaient rien à voir avec les prix d'achat. Et les chiffres à la vente que j'annonçai alors, tout à fait excentriques. Leur propre appartement de plus de 80 m2 dans un beau quartier de Paris ne pouvait valoir plus de 400 000 euros. Et nous aurions bien pu augmenter la pension alimentaire de l'ex-femme qui, elle, passe ses vacances au Club med et non pas une truelle à la main. D'ailleurs, ce n'était pas beau d'être envieuse et je devais estimer que j'avais de la chance de pouvoir retaper moi-même ma baraque.

Limite si leur fils n'avait pas épousé une folle à lier. 

D'un ton limite hystérique tout à fait badin j'ai riposté que nos situations ne pouvaient être comparées à plus de 40 ans d'intervalle, car à l'âge où ils devenaient propriétaires, je sortais tout juste de mes années d'études, et que mon mari venait de se faire comme qui dirait mettre à la rue. Au passage, ce n'était pas très gentil de parler de la mauvaise éducation de mes enfants, qui ne rapportaient que des A à la maison, et que d'ailleurs ils avaient toute latitude de venir aider à éduquer en deux coups d'accélérateur de bagnole de luxe. Que eux aimaient manifestement les beaux quartiers et que moi non plus, je n'avais pas envie de vivre dans la zone.

Dès que l'une des deux protagonistes finales s'offusquait, l'autre se récriait que celle d'en face avait mal compris. Ainsi ma belle-mère n'a pas vraiment voulu me dire que ce n'était pas moi qui élevais mes gosses, mais des animateurs noirs et arabes, et moi je ne lui ai pas vraiment dit non plus qu'elle n'avait aucune instruction ni ouverture d'esprit, et que ça se voyait sacrément.

Nos hommes sont partis faire des achats, ce qui a eu le don de nous rendre parfaitement correctes de nouveau l'une avec l'autre. Ma belle-mère s'est mise à faire ma vaisselle, car elle est née avec des éponges greffées aux mains et qu'il faut bien qu'elle s'en serve, tandis que j'allais arracher les mauvaises herbes pour ne pas la cramponner par les brillants en diamant, lui administrer une paire de claques, et lui dire que si ça me chantait de faire traîner du bordel! dans mon évier ce n'était pas son problème.

Je pense qu'elle savait que ma correction naturelle m'empêcherait, si je n'étais pas attaquée de front en privé, de lui asséner des choses bien plus désagréables à entendre, comme le fait que je comprenais très bien qu'elle n'apprécie pas une belle-fille contestataire comme moi n'adhérant pas à ses valeurs, puisque moi-même j'aurais tant préféré écoper d'une belle-mère instruite avec de vrais sujets de conversation, à tel point que je bénissais à chaque fois que je la voyais le ministre ayant proposé dans notre pays l'allongement de la scolarité jusqu'à 16 ans. Eh oui, parce que l'éducation coûte cher, mais vous ne savez pas qui vous allez fréquenter dans votre vie. Le petit pékin pas très accro à la scolarité auquel on va tenter de confier des savoirs jusqu'à ses 16 ans, ce peut être le bonhomme que vous allez rencontrer la nuit dans la campagne après un accident de voiture, le piéton qui vous aidera à retrouver votre chemin même si vous êtes noir ou arabe, ou la belle-mère que vous allez croiser quand même assez souvent, quand bien même seriez-vous une Thècle.

Je n'avais pas décoléré depuis deux jours, mais là, ça va.

Unidentified Man in Middle-Eastern or North African Clothing Slaps Another Man
 

 


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