Magazine Beaux Arts

Pina Bausch

Par Elisabeth1

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Comme beaucoup d’entre nous, j’ai été choquée par la disparition brutale de cette grande dame, que demeure Pina Baush, que j’avais eu l’occasion de voir à la Filature de Mulhouse pour Kontatkhof.
Cette fois-là, ce sont des non-acteurs danseurs qui étaient en scène, âgés de plus de 60 ans,
Ma réflexion sur l’usure du temps me ramenait droit à l’opéra de  GF Haendel ‘Il Trionfo del Tempo e del Disinganno  (Le triomphe du Temps et de la décrépitude) et la vue de corps plus très jeunes, laissa un sentiment partagé, à la fois d’admiration devant, la performance, le courage de ces personnes qui se montraient sans fard, mais aussi de gêne pour être confrontée à modification du corps du à la vieillesse.
Cela valait toutes les vanités et memento mori de nos musées.

Je ne savais trop comment exprimer mon sentiment, sur le sujet, c’est sur un blog que j’ai trouvé cet hommage de Cécile et que je publie ci-dessous avec son aimable autorisation :

 Madame,

Je désirais vivement voir votre troupe danser. Un désir de quinze années. Je n’en avais jamais eu l’opportunité. Trop peu d’argent, il fut un temps, pour m’offrir ce plaisir ; impossibilité d’être en Avignon ou en Allemagne, ou de l’autre côté de l’Atlantique quand il l’aurait fallu ; le nez cogné au guichet pris d’assaut de cette forteresse qu’est le Théâtre de la ville.
Je laissais donc d’autres me raconter, partager leurs impressions et leurs émotions ; d’autres qui vous suivaient, vous critiquaient, vous admiraient, se nourrissaient de votre travail, de votre langage des corps, de votre révolution depuis vingt ans et plus. Ils semblaient vous connaître si bien.

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Par comparaison, je ne savais rien de vous, si ce n’est que j’ai toujours été intimement persuadée, au travers des mots rapportés et des photos, de la nécessité de voir, un jour, un spectacle de vous.

Cet automne, puis cet hiver 2008-2009 si froid.
La crise économique. Des rumeurs de licenciements pour les uns, pour les autres. Une accélération des restructurations douloureuses et des licenciements, de fait. Battre le pavé pour l’éducation, les droits des salariés, contre les délocalisations, les abus de pouvoir et financiers. Une grève générale, dure et violente dans les territoires d’Outre-Mer, perpétuels oubliés de la république. Des guerres épouvantables. L’Homme qui dévore l’Homme. Continuer à aimer l’art à tout prix ? Mais comment concilier, dans certaines conditions, amour de l’art et les réalité brutales du monde ? Inquiétude, impuissance, sentiment pessimiste pour la énième fois d’un monde dans l’impasse et moral en berne.

Hiver 2009 encore …
Pour la toute première fois de ma vie, avec bien du retard et beaucoup d’impatience, j’ai vu danser votre troupe. Le Tanztheater de Wuppertal.
“Wiesenland” :
Bruits d’eau. L’eau. Longues, soyeuses et fluides robes colorées. Ces femmes qui fumaient, bavardaient. Humour. De seaux déversés. Ces femmes qui se faisaient baigner le visage et tremper les cheveux. Cette femme blonde au visage atypique et aux lèvres si rouges, à la présence de gingembre. Ces hommes aux apparences désinvoltes. Parlant avec volubilité. criant. Mains dans les poches. Danse très maîtrisée. Cette femme aux cheveux fins et ternes, au visage ramassé, au profil d’oiseau, pas très belle de prime abord mais qui dégageait un charme envoûtant dès que son corps se mouvait, dansait, se déployait dans l’espace. Chaleur. Canicule. Des siestes. Des corps alanguis. Effluves d’Europe de l’Est et de Méditerranée. Vos musiques. Une table que l’on dresse, bruit de vaisselle et de verres choqués, des chaises, pas de chaises. Cette liesse. Presqu’hystérie. Cette prairie d’herbe si verte.
(Je tente simplement de rattraper l’unique souvenir qui s’effrite en bribes que j’aie de votre travail …)

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Vous m’avez emmenée, transportée, installée au sang, aux nerfs, au ventre, au sein, au coeur d’une beauté artistique infiniment sensuelle, folle et fulgurante. J’ai vécu grâce à vous une étreinte éphémère mais intense avec la danse. Plus que de la danse : en réalité une chance. Un de ces rares moments dont on voudrait que jamais pareil effet ne s’estompe et cesse.
A la toute fin, d’un élan, je me suis levée pour vous applaudir à tout rompre, à m’en brûler les mains. Enthousiasme et plénitude. Vouloir vous jeter des roses pâles, des pivoines, des lys, que sais-je ? Vous jeter mon coeur. Toute cette vie insufflée. Je n’étais, bien entendu, pas la seule à tanguer sur cette nef de beauté. Cet amour débordant du public pour vous, ô combien palpable et fort dans l’air de ce soir-là … Cette ferveur et cette fièvre pour votre art qui contrastait avec vous, simple silhouette noire, bien droite à quelques pas du bord de la scène, qui saluait, face à nous.

Vous êtes morte, hier, Pina Bausch. A vous qui m’avez donné, cet hiver, envie d’être, de reprendre confiance et envie de vivre, de vivre encore : MERCI.

Cécile Boëldieu - mercredi 1er juillet 2009
 


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