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Voyagez léger

Publié le 08 juillet 2009 par Memoiredeurope @echternach

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C’est la devise que j’ai découverte lorsque j’ai quitté vendredi, au-delà de Bâle, la sphère des radios françaises pour pénétrer sur le plateau suisse dans celle des radios romandes. Espace 2 est pour moi plus qu’une radio, c’est une onde bienfaisante que je capte et sur laquelle j’essaie de surfer dès que l’horizon du Léman se pointe… Voyagez léger, conseillaient tous les responsables d’émissions !

Du vendredi au samedi matin et au dimanche après midi quand je me suis remis en route vers Strasbourg, la devise s’est déclinée de multiples manières. D’abord j’ai écouté l’interview de Christophe Clivaz, politologue et professeur à l’UER Tourisme de l’Institut universitaire Kurt Bösch à Sion. Cet homme insistait sur la coupure profonde entre les chercheurs en tourisme – diversifiés dans leurs approches, confrontant les disciplines et capables de définir les touristes et leurs envies – et les économistes créant des modèles rationnels dans lesquels il est peu question de rêve et beaucoup plus question d’uniformité et de rendement maximum.

Tandis qu’entre les deux, de nouvelles formes de tourisme apparaissent en créant des interstices, des niches, des refuges qui peu à peu composent une mosaïque dont le dessin ressemble à s’y méprendre aux itinéraires culturels européens.

Il y a en effet les arpenteurs. Ceux que nous recherchons…

Le cas de Sylvain Tesson, interviewé dimanche après-midi par Charles Sigel m’a d’autant plus passionné que je ne connaissais pas ce parisien dont la jeunesse s’est calmée en escaladant les cathédrales. Si la varappe l’attire encore, il peut surtout se vanter – il le peut en effet – d’avoir tracé une géographie personnelle avec ses pieds ou à bicyclette sur les routes de la Russie, sur les chemins des évadés du goulag ou dans la Mongolie des yourtes quand il surprend les autorités à fixer les nomades et à vider leur vie de son sens profond. 

Nomades, ils le sont tous, ceux qui s’étaient rejoint à Saint-Maurice pour célébrer l’ouverture d’un tronçon de la Via Francigena entre Besançon et Ivrea. De Franche Comté, en passant par le Jura, le Canton de Vaud, pour se faufiler entre les vignobles et remonter la vallée du Rhône en Valais pour le Gothard, parfois le Saint-Bernard et redescendre le Val d’Aoste vers les rizières…

Arpenteurs et géographes à leur manière.

J’aimais que l’on évoque samedi matin sur cette radio décidément exceptionnelle, tandis que je me rendais à Saint-Maurice, le souvenir de Nicolas Bouvier disparu en 1998 et dont la veuve, nièce de Denis de Rougemont, que j’ai rencontrée au Puy en Velay, perpétue le dynamisme exceptionnel. Sans doute connaît-on déjà la citation extraite de « L’usage du Monde » : « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. »

Et que cette radio passe ainsi, par une connivence secrète, vers Gilles Lapouge dont le dernier ouvrage, toujours à la recherche d’étranges pays, s’intitule « La légende de la géographie ».

« La découverte de la terre est un jeu de colin-maillard. Géographes et historiens avancent les yeux bandés ; pas étonnant qu’ils ne tombent jamais sur le bon coin (…) comme ils se paument tout le temps, ils recensent passionnément les envers du monde. Chaque bévue ajoute un détail à leur atlas. »

De l’usage, à l’envers du monde, il n’y a qu’un pas en effet…

Je vais bien entendu rechercher au plus vite la géographie secrète de Gilles Lapouge, née, comme pour beaucoup d’entre nous, dans l’horizon étrange de son jardin d’enfance, dans les ronces à mûres, les fentes des murets, les dessins sur le sable et les traces des baves d’escargots sur l’herbe humide.

Mais je n’ai pas encore terminé son ouvrage précédent que Sorina m’a offert. « L’encre du voyageur » n’a en effet pas encore tout à fait séché sur mon bureau avec le stylo à plume qui l’accompagnait.  

Innocence et chance de celui qui alterne les voyages dans sa chambre ou dans sa bibliothèque et les découvertes du détour du chemin. Avons-nous vraiment besoin de la Chine autrement que dans le papier de nos livres ou de nos manuscrits ?

« Comment prétendre découvrir un nouveau pays si on n’a pas lu tous les livres, dès lors que les pays à découvrir reposent dans les bibliothèques ? C’est ce qui explique aussi que les écrivains voyageurs, avant de larguer les voiles, se munissent non seulement d’une jumelle et d’une boussole, mais aussi de beaucoup de livres. Les plus avisés complètent leur bagage avec de la patience. Ils en auront besoin. Ils ne connaîtront la montagne qu’ils sont en train de gravir ou le désert qui les pousse à l’extase qu’après avoir lu la description qu’ils en auront faite, une fois regagné leur pays. »

C’est promis, demain je parle de ma petite marche dimanche dans les alentours pierreux et herbus des Mémises. 

Une manière de parler du bonheur après l’avoir épuisé, pour en goûter l’odeur persistante…

L’usage du monde commence parfois dans l’estive des vaches…

Photographies : le Lac Léman quand le soleil se couche sur le Jura et la complicité de l’Abbé Roduit et du Président de l’Association Européenne des Vie Francigene, Massimo Tedeschi devant l’Abbaye de Saint-Maurice.  


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