A l’Opéra hier soir pour le spectacle d’Anselm Kiefer célébrant les vingt ans de l’Opéra Bastille et la fin du mandat de Gérard Mortier. Salle à moitié vide, nombreux départs de spectateurs pendant la pièce, applaudissements timides et petite bronca à la fin, plus article du journaliste opéra du Monde éreintant la pièce l’après-midi même : clairement pas un spectacle pour les amateurs classiques d’opéra, encore plus dérangeant que Viola, par exemple.
Le difficile, pour moi, est de me positionner face à ce spectacle avant d’en parler : le regardé-je comme spectateur d’opéra, ou de théâtre, et je n’y retrouve aucun des codes auxquels je suis habitué. Si je l’appréhende comme une oeuvre d’art plastique, la voir à distance, ne pas pouvoir la pénétrer, m’y mesurer est tellement différent de mes expériences passées avec Kiefer que j’en suis frustré. Les prophéties de Jérémie et d’Isaïe, qui forment l’essentiel du texte, inspireront certains, mais ces récits de désespoir et de violence aveugle ne résonnent guère en moi par eux-mêmes. J’ai bien aimé le fait que la voix les récitant soit masquée, pas toujours très audible, couverte par la musique : que ces textes arrogants restent en arrière-plan, qu’on ne leur prête qu’une attention distraite, qu’ils ne soient là que pour brosser la scène à grands traits. Que nous importe que Jérémie (25, 15-27) invite tous les rois de la région, tous vus comme ennemis d’Israël, Pharaon, l’empereur des Mèdes, le roi de Tyr et Sidon, les rois des Philistins et le roi d’Arabie à boire, devenir ivres et vomir, à tomber sans se relever : le prophète mis au goût du jour.


De ces ruines, j’ai tenté de tirer un message d’espoir, sans doute assez loin de ce que Kiefer a voulu (ou en tout cas de qui est écrit dans le livret-catalogue), mais qui m’a paru bien plus pertinent que Chekhina et Lilith.
Comme le livret-catalogue inclut quelques photos des ruines de Berlin en 1946, les plus récentes dit le texte introductif de Kiefer. J’ai choisi d’actualiser, avec des ruines toutes fraîches, de l’année.
