On a tous dans le cœur une petite fille oubliée... Ah non, ça c'est Voulzy et il parlait des années 60. Que reste-t-il alors de nos années 80 ? Une mythologie un peu honteuse, maquillée d'amertume, habillée comme un sac avec une affreuse choucroute sur la tête. Les couleurs sont explosives ; façon « Le lampadaire c'était moi ! » des Inconnus ; ou carrément glauque dans le style The Cure.
Nine Antico dans Le meilleur du pire pointe la question vestimentaire et capillaire comme source du malaise. Si on ajoute à cela le bruit de synthétiseur qui meuble les films de l'époque, type Flash dance, on tient quelques pistes de réflexions. Sa conclusion porte pourtant la marque de l'absolution et du relativisme culturel : nous paierons nous aussi pour « ces Meetic années avec leur lot de putafranges et de rockeurs méchés versaillais » ! D'accord, mais l'addition sera moins salée.
Le problème vient peut-être de l'apparition aux yeux de tous du capitalisme le plus sauvage, comme Drouin & Clavery (Psychose) ainsi qu'Alfred & Chauvel (Ghost town) le suggèrent. C'est le début du thatchérisme, inspiré des théories de l'économiste Friedman, appliqué au Chili en grandeur nature avant d'envahir l'Europe. Et c'est aussi la Gauche au pouvoir avec Mitterand, et l'abolition de la peine de mort.
Les autres contributeurs soulignent avec plus ou moins de force et de talent la marque indélébile que laisse ces années dans les chairs de ceux qui les ont vécues. On ne sort pas vraiment convaincus de cet album dans lequel s'alignent trop souvent les clichés aux dépens d'un point de vue personnel ou d'une vraie prise de recul.
À moins que les auteurs aient voulu cette BD à l'image des années 80, et sauf quelques exceptions, l'exercice ne vaut pas la moyenne. Et c'est bien dommage pour ces pauvres années 80 qui vont garder encore un bon moment leur forme de crapaud, en attendant qu'un beau prince veuille bien les embrasser.
Summer of the 80's, publié chez Dargaud avec Arte éditions, 14,50 €