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"Jeu de pouvoir"

Par Loulouti

"Jeux de pouvoir" de Kevin Macdonald ("Le Dernier Roi d’Ecosse") est l’adaptation de la série anglaise éponyme de 6 épisodes de 2002. L’intrigue londonienne a été délocalisée à Washington D.C pour la transposition sur grand écran.

En règle générale je suis très friand des thrillers politiques qui nous proposent le combat de personnes ou groupes de personnes qui enquêtent contre la gouvernance d’une élite et l’ordre établi, ce que les américains nomment "l’establishment".

L’une de mes références cinématographique reste "Les hommes du Président" d’Alan J. Pakula qui met en scène le dur labeur de deux journalistes, Bob Woodward (Robert Redford) et Carl Bernstein (Dustin Hoffman), qui dénoncèrent les agissements du Président Nixon et le scandale du Watergate.

"Jeux de pouvoir" est un long métrage qui s’inscrit exactement dans cette veine et peut légitimement être considéré comme l’une des réussites cinématographiques de l’année.

Stephen Collins (Ben Affleck) est l’étoile montante de son parti. En tant que membre du congrès il est chargé de surveiller les dépenses de la Défense. Sa crainte est que le secteur privé s’approprie la gestion de la sécurité des ressortissants américains sur le territoire national et sur les différents théâtres d’opération (Irak, Afghanistan).

Sa jeune assistante est tuée mystérieusement dans le métro. Les circonstances de ce décès mettent Stephen Collins sous le feu des projecteurs quand on apprend que ce dernier trompait sa femme Anne (Robin Wright Penn) avec sa collaboratrice.

Call McCaffrey (Russell Crowe) brillant et chevronné journaliste du "Washington Globe", et l’un des meilleurs amis de Stephen Collins, est chargé par Cameron Lynne, sa rédactrice en chef (Helen Mirren) de mener les investigations en compagnie d’une jeune journaliste, Della Frye (Rachel McAdams).

Autant vous le dire tout de suite : je n’ai pas vu la série anglaise et je le regrette énormément tant le film est passionnant. Ma première pensée a été que les scénaristes du film ont du forcément resserrer l’intrigue.
De 6 heures nous sommes passés à 2 heures de durée et des choix ont certainement été faits (personnages secondaires ou intrigues annexes supprimés) pour rendre l’ensemble plus nerveux, plus cinématographique. Une série télévisée laisse plus de temps pour que les différents nœuds de l’intrigue se mettent en place. Le réalisateur a du aller à l’essentiel. Mais le résultat est plus qu'une réussite.

"Jeux de pouvoir" est un excellent thriller politique haletant qui nous plonge au cœur des arcanes du pouvoir américain et du contre pouvoir qu’est la presse institutionnelle. On se passionne dés les premiers instants pour ce film rythmé et efficace qui ne ressemble pas à ce que l’on nous propose en général.

L’histoire mêle à la fois une enquête journalistique classique et un jeu de dupes, de mensonges et de faux semblants qui se déroule en plein cœur du "système". Le scénario est précis. Rien n’est laissé au hasard. La mécanique est finement huilée et le tout fonctionne à merveille.

Le spectateur a l’impression de mener les investigations aux côtés du duo formé par Russell Crowe et Rachel McAdams. Chaque révélation lève un peu plus le voile sur la cruelle vérité qui est au centre du film. Quand les masques tombent, la chute n’en est que plus dure.

Mais je me dois d’ajouter que la célèbre maxime de Sherlock Holmes : "Lorsque vous avez éliminé l'impossible, ce qui reste, même si c'est improbable, doit être la vérité" (A. Conan Doyle, "Le signe des quatre") s’applique parfaitement au twist final. L’identité du méchant de l’histoire se devine à l'avance.

Cependant l’intérêt pour le long métrage n’est en rien entaché pas cet infime détail. Le puzzle est constitué avec savoir faire. Chaque détail de l’intrigue prend peu à peu sa place. L’intérêt de "Jeu de pouvoir" est double. Le monde de la politique est montré sans fard même si on se rend compte qu’il y a des hommes et des femmes qui se préoccupent du bien public et des agissements des lobbies privés.

Le travail journalistique sort grandi. Kevin Mac Donald n’est pas avare dans ce domaine. Il insiste lourdement sur les étapes successives qui mènent à la vérité. Ses héros sont des fauves qui traquent la vérité sans jamais baisser les bras et qui persistent jusqu’à mettre leur vie en danger.

La mise en scène est un savant dosages entre juste ce qu’il faut de séquences d’action et des scènes de comédie où les dialogues tiennent une place énorme. "Jeu de pouvoir" constitue aussi une énorme prise de risques dans ce domaine : passionner l’auditoire avec des acteurs et actrices qui passent une bonne partie de leur temps à communiquer. KevinMacDonald remporte haut la main son pari. Les dialogues sont finement ciselés, toujours percutants, jamais lassants.

Ce qui passionne aussi le spectateur est cette manière particulière de nous présenter les principaux personnages. Les auteurs et le metteur en scène ne se sont permis ici aucune facilité, aucun choix désastreux. Chaque protagoniste a sa propre part d’ombre et une certaine complexité.

Russell Crowe est véritablement au sommet de son art et enchaîne de film en film les prestations hallucinantes. Ben Affleck joue à fond la carte du magnétisme de l’homme politique et ça marche. Parfois décrié l’acteur étonne par une sobriété de son jeu.
Rachel McAdams et Robin Wright Penn illuminent l’écran par leur présence charismatique. Helen Mirren, volontairement effacé, est plus que convaincante dans son rôle de rédactrice en chef obstinée.
A cela vous ajoutez Jeff Daniels, machiavélique à souhait et Jason Bateman, et vous obtenez l’un des castings les plus homogènes, les plus réussis de ces dernières années.

Kevin MacDonald confirme avec ce long métrage le formidable talent qu’on sentait poindre auparavant. Son "Jeu de pouvoir" répond à toutes les attentes. Le réalisateur mène sa barque avec assurance et maîtrise.
Ce long métrage qui fera je l’espère son petit bonhomme de chemin sans tambour ni trompettes et je suis très satisfait d’avoir pu assister à sa projection.


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