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Solde de tout compte

Publié le 11 juillet 2009 par Menear
phalanges.pngIls m'ont proposé une prolongation de mon contrat que j'ai poliment refusé. Celui-ci se termine en aout. J'ai éparpillé quelques prétextes au hasard de la conversation, ce n'est pas très important. Je commence à regarder sans trop voir les petites annonces et autres offres d'emploi actuellement disponibles sur l'écran.
Ce n'est qu'un boulot que je laisse pour un autre à venir qui prendra sa place. Je ne laisse derrière moi ni bons souvenirs ni mauvais. Le téléphone greffée oreille droite ne me manquera pas, je le retrouverai bientôt sans doute. Restent dans mon sillage les dizaines de galeries fictives creusées avec le temps, au hasard des différents échanges téléphoniques. Se servir du prétexte SAV ou service client pour agencer des obstacles en pagaille : il m'est arrivé de bâtir en quelques syllabes des services entiers qui en réalité n'existaient pas. Modèle start-up, il n'y avait pas de comptabilité à proprement parler dans cette entreprise : cela ne m'a pas empêché d'assaisonner des « service comptabilité » par ci par là. Idem pour les « responsables produits » et autres « commissions de litiges spécialisées ». Les voix au bout du casque ne s'en plaignent pas. Le client noyé dans un océan de bureaucratie fragmentée se laisse perdre. Son dossier (métaphore du quotidien pour qui n'en possède aucun) est entre de bonnes mains : « nous faisons tout notre possible, comptez sur nous défendre votre dossier auprès de la direction », et ainsi de suite.
Je soignerai d'ici-là mes articulations : depuis quelques jours elles ne craquent plus (pas volontairement, toujours) car à présent je m'y refuse. Je sens le manque parcourir mes doigts, phalanges, je force le mécanisme jusqu'au bord du gouffre : celui qui se débloque entre métacarpes et proximales, avant le bruit craqué sous la peau. Je prends une, deux respirations et m'abstiens. Je suis une bombe à retardement qui au moindre prétexte crépitera réactions en chaîne de haut en bas et inversement. Mes os me lancent mais je m'y tiens.
La douleur que ça peut être de ne plus céder à une routine mécanique, une habitude des engrenages. J'aime écrire, prendre appui sur ces douleurs, celles qui structurent. Elles font semblant de rassurer ceux qui d'ordinaire ressentent mal. J'ai remarqué ces dernières semaines, mois, que ces douleurs étaient souvent osseuses et ça ne m'étonne pas. Si je n'avais pas égaré le manuscrit unique de Scapulaire, j'en ferais une webfiction qui forcerait toutes ces impressions.

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