En écho à la note d’Antoine Emaz publiée hier sur le site, extraits de L’Autre musique.
Toujours un arbre plus
sensible accueille en premier la saison, écrit Michel Deguy dans Biefs (1962), ce qui est vérifiable au
Jardin des Plantes où, comme chaque année, un prunus est déjà en fleur à la
mi-février alors qu’alentour tout reste encore prudemment dans l’engourdissement
de l’hiver. Mais à quoi peut bien être due cette plus grande sensibilité ?
Et comment expliquer qu’en automne un métaséquoïa du Jardin alpin perde déjà
ses aiguilles alors qu’à quelques mètres, à peine, un autre est encore vert ?
Si un écart aussi minime entre deux arbres de même espèce peut générer une
différence de plusieurs jours quand à la sensibilité à la saison, alors l’affirmation
poétique de Michel Deguy est non seulement profondément juste, elle est aussi
vérifiable et observable. En quoi la poésie peut ramener à la réalité en nous
aidant à mieux la voir. Poète qui préfère/Dire
comment c’est, précisera Deguy dans Ouï
dire (1966)
Dans Pas à pas jusqu’au dernier,
Louis-René des Forêts écrivait : Seule
la vitesse d’exécution permet de sortir de ses limites, ce qui ne veut pas dire
bâcler sa besogne, mais s’en remettre à l’imprévu pour la mener à bien, sans se
préoccuper de lui donner au préalable un sens clairement défini qui se
précisera de lui-même en cours de route, à tout le moins en fin de parcours…
Ce qui m’a renvoyé à ce qu’écrit Philippe Jaccottet dans Le bol du pèlerin, serait-ce d’une autre façon : Mais il m’est arrivé aussi de penser, avec
le temps, que l’excès de scrupules et la flagellation de soi-même pouvaient n’être,
dans certaines circonstances, que du temps perdu et des forces gaspillées ;
qu’il valait mieux, dans ces circonstances, assumer sa naïveté et aller de l’avant…
Mais n’est-ce pas encore ce que je peux retrouver chez Mathieu Bénézet, par
exemple dans L’Aphonie de Hegel où j’ai senti un parfum que jusqu’à présent je
n’avais guère respiré que chez Vladimir Holan : Une vitesse que j’eus souhaitée plus grande… Décidément, je serai
toujours infiniment sensible à ces échos qui se répercutent d’un écrivain à un
autre, transformés par la voix propre de chacun, et qui réosnnent dans mon
esprit de lecteur passablement concerné.
Tant qu’un animal mort a encore sa peau, ses poils ou ses plumes, il est un
animal mort. Mais dès qu’il est dépecé ou déplumé il n’est plus que viande,
nourriture. Enlevez les plumes, enlevez la peau d’un animal mort et c’est son « être »
que vous ferez disparaître.
Le sol jonché de fleurs jaunes c’est à trois heures, cette nuit, que la pluie s’est
mise à tomber, drue, épaisse – comme une cavalcade de bêtes sur un chemin. Il a
fallu attendre que cela se calme un peu pour se rendormir, puis cela a repris,
puis cela s’est calmé de nouveau. Ce matin, il pleut à verse et le fond de la
cour est d’une blancheur de lait.
Jacques Lèbre, L’Autre musique, Atelier la Feugraie, pp.28, 46, 48, 58.
Bio-bibliographie de Jacques Lèbre
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