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L'aïoli, ma recette pour Anne-Marie

Publié le 17 juillet 2009 par Rendez-Vous Du Patrimoine
L'aïoli, ma recette pour Anne-Marie
Clichés R. Rambaud Il y a bien des recettes qui peuvent se réaliser n’importe où en prenant simplement les bons ingrédients sans se préoccuper de leur transfert sous d’autres cieux que ceux de leurs origines. Les raviolis peuvent se manger à Lille, on en fait même en boite, les pizzas ont essaimé dans le monde entier, on déguste la choucroute en dehors de l’Alsace, la soupe de poissons loin de la Bretagne et les bêtises ont en fait ailleurs qu’à Cambrai !
Mais l’aïoli, le faire ailleurs qu’en Provence, je me demande si ce n’est pas justement une grosse bêtise, une vraie hérésie.
Ce n’est pas une question d’ingrédients, faciles à trouver, partout en France, ni de recette, facile à faire (enfin… presque), ni de coût, ce n’est pas du caviar (encore qu’avec tous ces légumes de nos jours…).
C’est surtout une question de décor et, comment dire ? J. B. Reboul, l’ami de Mistral, dans sa « Cuisinière provençale » parle de « mise en scène ». Il a parfaitement raison. Mais il ne pensait qu’aux produits à « mettre en scène ». Je pense qu’il faut aller plus loin. L’aïoli, ce n’est pas que la table et les assiettes pleines, c’est un décor, un climat, une culture.
D’abord, il faut qu’il fasse très chaud, que le ciel soit bleu, très bleu et sans un nuage. La maison aura une terrasse donnant de plain pied sur le jardin, assez vaste pour accueillir une très grande table en bois, sans nappe ce n’est pas la peine, pour au moins 8 personnes, il faut être nombreux pour l’aïoli, c’est un plat collectif, pas un chichi pour deux.
Comme il fait chaud, très chaud, il faut aussi de l’ombre pour la terrasse, une tente à rayures vertes ou encore un grand pin où roucoulent des tourterelles, des oliviers centenaires avec des cigales dedans, ou encore mieux une treille qui laisse passer l’air, enfin de l’ombre.
L'aïoli, ma recette pour Anne-Marie
Voilà pour le décor. Si la mer est là, pas trop loin, c’est encore plus vrai et même si on ne la voit pas, on sait qu’elle est là, derrière la calanque. Une fontaine aussi, ce n’est pas mal, avec son gazouillis d’eau fraiche.
Bien sûr, on peut toujours essayer en banlieue dans sa petite cuisine, qui sera vite débordée, sur un petit balcon où les voisins auront le vertige en essayant d’oublier les voitures en bas qui klaxonnent, ça ne sera jamais pareil. Même pas la peine d’essayer. Que du fouillis et des regrets.
Mieux vaut lire la recette et la rêver en attendant peut-être un jour d’avoir la maison qui va avec… et le mortier aussi.
La maison parce que la cuisine doit être assez vaste pour tous les légumes à préparer et le mortier parce que sans lui, pas d’aïoli. C’est un récipient en pierre ou en marbre, très lourd, avec un fond en cuvette, comme on en voyait chez les pharmaciens du temps où ils préparaient encore les potions, en les broyant avec un pilon également en pierre ou en marbre.
Dans ce creuset, on dépose 2 gousses d’ail, épluchées et coupées en deux (enlever « l’âme » qui au centre fait une virgule et peut être amère), puis on ajoute une pincée de sel, un jaune d’œuf et on touille doucement avec le pilon de manière à bien mélanger.
J’ai oublié de dire trois choses importantes qui font que la recette est peut-être déjà ratée !
Premièrement, l’œuf doit être sorti du réfrigérateur à l’avance et laissé à température ambiante, la même température que l’huile. Sinon ça ne « marche pas ».
Deuxièmement, il faut être extrêmement disponible et ne pas être dérangé durant cette opération. Ni par du bruit (attention, les cigales, ce n’est pas du bruit), des activités ou même d’autres pensées. On disait autrefois qu’une femme ayant ses règles ne pouvait pas réussir l’aïoli et devait le laisser à une autre…Et si le temps est à l’orage, inutile de se lancer !
Il faut donc bien choisir son jour et se concentrer. Silence et respect.
Troisièmement, ça coule de source mais il vaut mieux le rappeler, l’huile est forcément d’olive, première pression à froid, du moulin voisin. Les arachides et autres pâleurs sont exclues.

On recommence donc.
Après avoir écrasé l’ail et l’œuf, on verse l’huile en petit filet tout en continuant à bien mélanger avec le pilon. On verse l’équivalent de 3 ou 4 cuillères puis on ajoute le jus d’un citron et une petite cuillère d’eau tiède. On continue à ajouter l’huile (au total un demi-litre environ), en filet, en tournant toujours. Le mélange doit faire une pommade bien jaune et pas trop épaisse. Si c’était le cas, il faudrait ajouter quelques gouttes d’eau tiède tout en tournant toujours.
On court aussi le risque de voir « tourner » le mélange, c’est à dire que l’huile se sépare de la pommade. Il faut alors tout enlever, verser au fond du mortier un nouveau jaune, quelques gouttes de jus de citron et incorporer petit à petit l’ancien mélange en tournant toujours avec le pilon. On appelle cette opération « relever l’aïoli ».
On le voit l’affaire n’est pas si simple mais ce n’est pas non plus une simple mayonnaise, il faut le dire, c’est un aïoli !
Et là je me rends compte que j’ai commencé par la fin, par le meilleur en somme et que l’accompagnement, tout ce qui va être parfumé par cet aïoli, doit être fait AVANT et qu’on doit même le faire la VEILLE, vu la quantité de choses à préparer et à laisser refroidir !
A commencer par la morue qui doit évidemment être dessalée plusieurs fois, cuite, égouttée et refroidie. On peut, parait-il, mettre aussi des escargots et des petits poulpes avec des aromates mais là je n’ai pas essayé.
Pour les légumes qui doivent être aussi mangés froids, il faut prévoir des pommes de terre en robe, des carottes bouillies, des artichauts, des haricots verts. Et enfin faire des œufs durs.
Tout ceci demande donc un fort temps de préparation, des casseroles, des faitouts, des égouttoirs en quantité et la cuisine devient un champ de bataille. C’est pourquoi on doit faire leur fête à la morue et aux légumes la veille pour, le lendemain, avant que les amis n’arrivent en fanfare, ne se consacrer qu’à l’aïoli, la sainte crème dans son mortier.
On comprend maintenant pourquoi la table doit être grande, très grande afin d’accueillir tous ces plats qui pourront être verts pour les pommes de terre, les carottes et la morue, jaunes pour les haricots et les artichauts. Je recommande aussi des serviettes en papier très colorées jaunes ou orange assorties aux assiettes, pour que l’harmonie de la table soit parfaite.
Quant au vin, un rosé de Bandol bien frais, pour tous ! Parce que c’est un plat qui chante et qu’il a besoin autour de lui d’avoir les accents de la Provence.
Quand je disais qu’on ne pouvait pas le réussir partout… P.S. Avec mes souvenirs de Marseille, du pin de la rue Roquebrune et de la terrasse… ( Depuis que j’ai quitté la Provence, je n’en ai plus fait).
Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !

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