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Fatou Diome : Inassouvies, nos vies

Par Gangoueus @lareus
Fatou Diome : Inassouvies, nos vies J’ai longtemps hésité à lire Fatou Diome. Je ne me l’explique pas vraiment. Malgré ses prestations impeccables sur les médias français. Le mot toujours juste. Trop juste ?
A l’occasion de la
8ème rencontre d’encre et d’exil organisée par la BPI du Centre Georges Pompidou de Paris, j’ai eu le plaisir de l’entendre échanger avec d’autres auteurs de qualité sur la question de l’exil et la question du départ. C’est agréable d’écouter un auteur qui exprime aussi bien sa pensée. Aussi, je l’ai pris au mot lorsqu’en expliquant sa marginalité, elle exprimait l’idée que la page blanche était pour elle, le seul lieu où elle pouvait entreprendre un tête à tête avec son interlocuteur. Ses romans constituent une sorte de huis clos dans lequel entreprend un dialogue avec le lecteur.

Je vous retransmets là l’esprit de son intervention. J’ai trouvé l’idée charmante. Et, je me suis procuré son dernier roman. Prêt à relever l’invitation de la charmante sénégalaise. J’ai cependant pris mon temps. La découverte d’Inassouvies nos vies a été très intéressante.
Toute d’abord à cause de l’écriture de l’auteure.
Il est question d’une jeune femme vivant à Strasbourg. Venue d’Afrique. Elle habite en face d’un immeuble que l’on suppose cossu. En dehors de quelques anciens résidents et résistants, il s’agit d’une population aisée. Betty a du temps. Se désintéressant de sa propre vie, elle observe du haut de sa fenêtre les bribes de vie de ses voisins. Et laisse courir son imagination si fertile pour deviner les situations qu’elle ne peut, à prime abord, interpréter. Le jeu est très beau pour ne se cantonner qu’à une observation abstraite. Elle rencontre une de ses voisines, Félicité une vieille dame, veuve de guerre, et à l’image de la très belle scène du renard et du petit prince de Saint-Exupéry, elles apprennent à s’apprivoiser mutuellement.
On est responsable de ceux que l’on a apprivoisés disait le renard…
Quelque chose de ce genre. Félicité est internée contre son gré dans une maison de repos par sa famille qui semble nourrir des ambitions sur ses biens. Betty poursuit sa relation avec la vieille dame en lui rendant visite à la maison de retraite et en lui faisant part de ses observations sur les habitants de l’immeuble…

L’écriture de Fatou Diome est tout simplement magnifique. Le caractère inassouvi des actions, des attentes, des frustrations de ses personnages trouve un écho dans certaines tranches de vies que l’on pense reconnaître. Betty laisse libre cours à son esprit qui se révolte, se questionne sur le traitement des anciens en France, sur le couple, l’amitié, le deuil, la mort. Certains développements sont parfois longs, mais la forme compense le trop plein des pensées de Betty qui ne s’interroge toujours pas sur elle-même. La relation entre Betty et Félicité est belle, elle est rare.
Pour autant, je ferme ce livre avec un arrière-gout d'inassouvi. Pas sur le sujet. Mais pour illustrer mon propos, j’évoquerai la récente étape du tour de France de cyclisme qui est passée par le col du Tourmalet dans les Pyrénées, qui aurait pu donner lieu à de passionnantes batailles dans ce fameux col mais dont l’enjeu a été amoindri par 70 kilomètres supplémentaires. La dernière phase du livre m’a semblé plus laborieuse. Peut-être était-il moins aisé pour Fatou Diome de parler de la souffrance de Betty ?
C’est une interrogation. Malgré tout, ce livre est une petite merveille que je vous conseille.

Bonne lecture
Fatou Diome, Inassouvies nos viesEdition Flammarion, 276 pages.1ère parution en 2008
Je vous propose également les critiques de Roudoudou et du blog Le poing et la plume
Photo Fatou Diome
Copyright © 2008 by PEN American Center/Beowulf Sheehan

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