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Excès homo…
Publié le 26 juillet 2009 par BoustouneEn 2006, Sacha Baron Cohen et Larry Charles avaient fait un triomphe avec Borat, leçons culturelles sur l'Amérique au profit glorieuse nation Kazakhstan. Dans ce vrai/faux documentaire, un reporter kazakh naïf et un brin stupide se lançait à la découverte des Etats-Unis, pour tenter de comprendre ce qui en fait ce pays-modèle, première puissance économique mondiale. Ceci n’était que le prétexte à un véritable jeu de massacre drôle et provocateur, dressant le portrait au vitriol d’une Amérique profonde assez peu reluisante, ignare, stupide et intolérante.
Le duo reprend le même principe de base dans Brüno, où un jeune homosexuel entreprend de devenir « l’autrichien le plus célèbre depuis Hitler » et, pour ce faire, s’exile aux Etats-Unis, pays de la liberté et de la tolérance, nation de tous les possibles…
C’est parce qu’il a voulu être à la pointe de l’audace et de l’innovation que Brüno a perdu son emploi de présentateur-vedette d’un show télévisé sur les modes et les tendances. Devenu un paria dans sa profession et dans son pays, il décide donc de partir redorer son blason chez l’Oncle Sam, avec l’idée de devenir un grand acteur. Problème n°1: le jeune homme a un fort accent germanique que les producteurs ne trouvent pas « fery vonderfoule ». Problème n°2 : il joue comme un pied… Autant dire qu’il est loin de marcher sur les traces d’Arnold Schwarzenegger…
Ceci ne l’empêche nullement de continuer de croire en sa chance et de poursuivre son rêve. Il explore ainsi chaque piste susceptible de le mener à la célébrité : créer un show télévisé où il interviewerait des stars tout en leur volant la vedette (1), adopter un enfant noir comme le couple Jolie/Pitt, tourner un film porno, se lancer dans une cause humanitaire, participer à des shows à scandale du style « Jerry Springer Show », devenir hétéro… Autant d’initiatives qui conduisent invariablement à l’échec, non sans quelques remous…
Le mécanisme permet surtout aux auteurs de mener une véritable croisade contre la bêtise ambiante en tapant en vrac sur l’homophobie, l’intolérance, le monde de la mode et celui des média, la vaine course à la célébrité et le comportement m’as-tu-vu des vedettes, dans une succession de sketches politiquement incorrects et de mauvais goût. Certains sont véritablement hilarants, comme l’incroyable scène de sexe entre Brüno et le fantôme invisible de Rob Pilatus, l’ex chanteur de Milli Vanilli (2), devant les yeux d’un médium médusé. Ou les tentatives absurdes du personnage pour restaurer la paix au Moyen-Orient, en argumentant, par exemple, que le Hamas a inventé le houmous et que le houmous c’est une nourriture très saine, qui est mangée à la fois par les israéliens et les palestiniens – ça fait au moins un point commun entre les deux camps ! Ou encore les phrases provocatrices qu’il assène à un leader islamiste, juste dans le but de se faire enlever et de devenir un otage célèbre. Du style : « Vous devriez vous couper la barbe. Votre roi Oussama ressemble à un sorcier crado ou à un père Noël S.D.F. »…
D’autres gags, en revanche, sont plus lourdingues et ennuient plus qu’ils ne font rire. De fait, la force comique du film s’étiole au fil des minutes.
Borat souffrait un peu du même défaut, mais avait le mérite de présenter une ligne directrice plus structurée, plus claire et plus intéressante. Le faux reporter kazakh rencontrait des personnes réelles et mettait en lumière la mentalité de certains habitants de l’Amérique profonde et leur inculture. Le mélange de documentaire et de fiction s’avérait parfois gênant, mais globalement, le film atteignait sa cible. On riait autant de l’idiotie de Borat que de celles des gens qu’il croisait.
Dans Brüno, tout semble beaucoup plus artificiel. Les gags ne sont plus construits autour de la confrontation des points de vue, mais servent uniquement à mettre en lumière l’extravagance et la bêtise du personnage principal. Si cela permet à Sacha Baron Cohen, totalement habité par le rôle, de faire un grand numéro d’acteur, cela s’avère en revanche dommageable pour les messages véhiculés par le film, qui deviennent nettement moins accessibles.
Comme le personnage vampirise le film, il en devient le seul véritable objet de moquerie. Contrairement à ce qu’ont probablement souhaité les auteurs, on rit moins de l’homophobie que du personnage homosexuel ; on se moque plus des délires de Brüno que de l’attitude parfois hallucinante des personnes qu’il croise (Il faut voir la scène du casting d’enfants et les concessions absurdes que certaines mères sont prêtes à accepter pour que leur chérubin obtienne le job…).
On ne peut s’empêcher d’être un brin déçu du résultat final. Partant de la trame d’un Borat déjà inabouti, les auteurs ont régressé pour livrer une comédie juste bête et méchante, handicapée par le manque de lisibilité de son propos. C’est d’autant plus dommage que certaines scènes de Brüno sont très réussies et que Sacha Baron Cohen fait preuve d’un talent comique indéniable. L’auteur/comédien britannique gagnerait à mettre ses dons d’acteurs et son irrésistible propension à bousculer l’ordre établi au service d’œuvres mieux construites, où il ne chercherait pas à tout prix à se mettre en avant.
Allez, un petit effort et ça donnera un film « züper »…
Note :
(1) : C’est le cas des différents shows US comme ceux de David Letterman ou d’Oprah Winfrey, par exemple. Peut-être est-ce pour déjouer ces techniques d’interview peu valorisante pour les comédiens que Sacha Baron Cohen a effectué toute sa campagne de promo dans la peau de son personnage, créant une zizanie incroyable sur chacun des plateaux de télévision où il est passé… un exemple ici dans le Grand Journal de Michel Denisot…
(2) : Milli Vanilli était un duo de chanteurs allemands ayant connu un petit succès à la fin des années 1980, avant qu’on ne découvre qu’ils chantaient en playback, avec la voix d’autres chanteurs, ce qui a occasionné un petit scandale dans le monde de la musique. Le duo ne s’en est jamais remis et Rob Pilatus a sombré dans l’alcool et la drogue. Il est mort d’une overdose en 1998.