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Jean de TINAN : La Princesse des Ténèbres par Jean de CHILRA / RACHILDE

Par Bruno Leclercq


Dans sa réponse au docteur Chabaneix sur les rêves (voir Leurs Rêves : Remy de Gourmont, Rachilde.), Rachilde disait avoir parlé dans La Princesse des Ténèbres d'un loup qui hantait ses songes de petite fille de sept ans, un loup à trois pattes, plein de sang... La Princesse des Ténèbres, l'un des deux romans signés du pseudonyme de Jean de Chilra, un roman où Rachilde, qui chroniqua son propre ouvrage dans le Mercure de France, reprochait à l'auteur de laisser le rêve « empiéter sur la réalité», le cerveau « dévorer la chair ».
Christian Soulignac (encore un pseudo) dans les Curiosités rachildiennes de son blog Fornax, nous présente les différentes éditions de La Princesse des Ténèbres et de l'Heure Sexuelle, l'autre roman signé Jean de Chilra, il y donne la courte chronique que Rachilde consacra à l'oeuvre de son double (ou triple, Rachilde étant le pseudonyme de Marguerite Eymery), on lira avec profit cet article érudit, prélude à une complète bibliographie.
Pour compléter le billet « Chabaneix » et le billet de Christian Soulignac, je donne aujourd'hui la chronique que Jean de Tinan consacra à La Princesse des Ténèbres dans L'Ermitage, n° 7 de juillet 1896. On verra que Jean de Chilra ne devait être un mystère pour personne, Tinan n'hésitant pas à révéler dès les premières lignes le nom de Rachilde caché derrière ce pseudonyme à renversement. On regrettera que l'étude sur les écrivains « à imagination morbide », promise par Tinan, ne soit pas parue...

La Princesse des Ténèbres, par Jean de Chilra (Calmann-Lévy)


C'est sous le pseudonyme de Jean de Chilra – pseudonyme à renversement – que Mme Rachilde vient de publier son dernier roman.
Je ne crois pas que, depuis des années, ont ait aussi nettement, aussi passionnément posé cette question du Rêve et de la Réalité à laquelle on ne saurait, vraiment contester une suffisante actualité.
Madeleine, entre ce bon docteur Sellier et le beau cauchemar du Chasseur au chien muet... c'est l'éternelle lutte. La seule – en somme – puisque les autres nous importent si peu !... Et ce n'est pas en quelques lignes de bibliographie que j'entreprendrai de traiter un sujet aussi... compliqué.
Je voudrais, cet été, dans l'Ermitage, examiner un peu de quelle façon les écrivains que j'appellerai – (si je ne trouve pas un mot plus juste d'ici là) - « à imagination morbide » ont essayé, selon des tempéraments qui sont, pour rééditer un mot de Hamerton sur Baudelaire, «the poetical organization with all its worst inconvenience», de créer une image poignante de la vie.
Parmi les écrivains d'aujourd'hui, auprès de M. Marcel Schwob et de M. Jean Lorrain, Mme Rachilde est certainement au tout premier rang de ces écrivains-là, et j'aurais l'occasion de dire de son talent tout le bien et tout le mal que j'en pense. Ce que je puis déjà dire aujourd'hui, c'est combien, dans la Princesse des Ténèbres, j'ai trouvé, en leur belle plénitude, les qualités d'expression, de lyrisme et de style, les qualités mêlées de probe écrivain naturaliste et de souple écrivain symboliste – (il faut réunir les deux décidément !) - qui me font tant aimer l'écriture de l'auteur de l'un des plus beaux poèmes de ces dernières années : Les vendanges de Sodome.


Jean de Tinan


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